Chapitre 6
Chapitre 6
Angele
La prof de français vient de rentrer dans la classe et déjà elle fait crisser cette stupide craie contre le tableau noir. Pitié. Mon. Crâne. N’essayant même pas de déchiffrer son écriture maladroite digne d’un enfant de, hmmm soyons généreuse, 8 ans, j’attends qu’elle daigne prendre la parole. Pour le moment elle contemple ce qu’elle vient de gribouiller d’un air satisfait.
- Bien !
Elle applaudit légèrement, l’air toute émoustillée. Beurk, passé un certain âge ce genre de choses devraient être interdites. Bon, que pourrait-elle nous annoncer ? Le début de la troisième guerre mondiale ? Oh non, j’ai trouvé ! Les NSync reforment leur groupe ! Quoique, l’un et l’autre sont très similaires.
- Madame la directrice a placé toute sa confiance en moi et m’a chargée de vous transmettre un message de la plus haute importance !
Elle s’éclaircit la gorge. Vas-y, crache le morceau, c’est pas parce qu’une fois dans ta vie un être vivant autre que ton chien te témoigne un peu d’affection que tu dois étaler ta joie ! Merde, pense un peu aux autres…
- Vos parents vont venir vous rendre visITE !
Aie, elle a tapé dans les aigus sur la fin. Et qu’est-ce qu’elle raconte ?!
- L’école s’est chargée de tous les avertir que leur présence était obligatoire et… Demain, dès 17h, l’école leur ouvrira ses portes !
Un murmure s’élève dans la classe.
- N’est-ce pas magnifique ?! Et comme nous souhaitons tous que cet événement soit grandiose…
Tous ?! Pff… Est-ce que mes parents vont venir ? Wow… Je les vois mal quitter leur précieuuuuuuuuux travail pour une raison aussi futile que… moi.
- … nous avons décidé de vous accorder cette journée ainsi que celle de demain pour vous préparer et décorer l’école !
Oh. Mon. Dieu. Pas çaaaa !
Sébastian
Envey ouvre les différentes boîtes de lampions multicolores.
- Tu tiens l’échelle et je pose ces trucs ?
- Ouais ouais.
Je m’empare de l’objet qui a visiblement déjà bien vécu.
- T’es sûre de vouloir monter sur ce truc qui est sûrement de l’avant guerre ?
- C’est ça ou je monte sur tes épaules !
- Oula ! Bon ben dans ce cas, ce sera l’échelle !
J’évite in extremis une pomme de pin.
- Non mais oh ! T’es dangereuse !
Elle me tire la langue. Je lui tourne le dos et pose l’antiquité contre le premier arbre que je rencontre avant de vérifier sa stabilité.
- C’est bon tu peux…
Un cri de rage m’empêche de finir ma phrase. Je me retourne vers Envey, étonné, avant d’éclater de rire.
- Ne rigole pas et viens m’enlever ça!
Je m’approche d’elle et l’aide à se dépêtrer des lampions dans lesquels elle s’est emmêlée. Je lui tends la main pour qu’elle puisse se relever.
- Mais comment t’as fait ça ?!
- Oh c’est bon hein ! J’en sais rien, je voulais juste les démêler un peu.
- Ben c’est réussi !
Elle m’envoie son poing dans le ventre. Aoutch, elle frappe comme un homme.
- Arrête de te foutre de moi et viens tenir cette putain d’échelle de merde !
Envey
Sébastian est allongé sur son lit, les yeux clos, il fume. Je m’étends à ses côtés, il me prend dans ses bras pour que je puisse me blottir contre lui. Angie entre, suivie de Peter qui ferme violemment la porte derrière lui.
- Niaaaaaaaaaaaaaaaaaaah je suis mort.
Il se laisse tomber sur son lit.
- Et le petit côté on le replie sur le plus grand et on retourne le tout pour que ça fasse une jooooolie forme ! J’en ai marre ! Plus jamais je ne veux voir de serviette en papier de toute ma vie ! J’en ai plié des centaines toute la journée ! AAAAAAAH !!!!
Il se met un coussin sur le visage. Angele ne dit rien, elle s’assied sur un pouf et met de la musique. Les Lib’s, Arbeit Macht Frei. Bon choix, quand on voit comment on s’est fait utiliser aujourd’hui. Pete enlève soudainement l’oreiller.
- Vous savez ce que j’aime encore moins que les serviettes en papier ? Les profs qui nous exploitent comme ouvriers parce qu’ils sont ruinés. On se croirait dans une usine adidas !
Angele se redresse légèrement.
- A ceci près qu'on est pas asiatiques...Moi j’aime pas les idiots qui se prétendent poètes simplement parce qu’ils ont un blog et qu'ils font des posts comme "Le soleil brille, les oiseaux chantent, sur Amazon je consulte le prix de vente"... Oh non j’ai mieux ! Je supporte pas les mecs qui font style "jesuistonmeilleurami" et qui ne pensent qu'à te sauter !
Stian ouvre brusquement les yeux et la regarde. Un silence de mort accueille son idée. Elle a dit ça volontairement ? Si oui, quelle conne. Pour une fois je suis contente de voir Panpan sortir une énorme connerie.
- Je peux pas sacquer les supporters de foot !
- Et pourquoi ça ?
J’émets une hypothèse.
- Histoire de cœur qui a mal fini avec un Hooligan?
Sébastian s’étouffe presque en tirant sa taffe. Pete lève les yeux au plafond, l’air faussement rêveur.
- Il s'appelait Stephan et aimait la Guinness…
- Et il adorait le faire dans sa caisse ?
Stian en rajoute.
- Mais il n’était pas d’une grande tendresse…
J’enchaîne.
- Après tout ce n’était qu’une histoire de fesses
- Alors t’as finalement dû mettre fin à cette idylle, quelle tristesse !
Angie éclate de rire avec nous. Pete, toujours dans son délire, prend un air triste.
- C’est lui qui a cassé…
Fou rire général, on en peut plus. Ca doit être la fatigue ou tout simplement, cette saloperie d’appréhension que tout le monde cache comme il peut. Angele va s’allonger sur le lit de Pete. Je me lève et éteins la lumière, on ne voit plus que la énième sèche que se fume Stian depuis qu’on est ici. Je retourne me blottir dans ses bras, bercée par les battements de son cœur et la douce odeur de Marie Jane. Je l’embrasse dans le cou avant de fermer les yeux.
Angele
Le parc de l’école est magnifiquement décoré, on se croirait dans un teen movie lors du traditionnel bal. Oulahlah, la peur me fait définitivement dire n’importe quoi. J’ai l’estomac noué. On est tous à cran d’ailleurs, un peu stressés à l’idée de voir nos chers parents.
Pete arrête pas de faire des blagues vaseuses, la dernière en date étant « Comment on fait entrer 6 juifs dans une voiture ? ». C’est d’un goût ... d’autant que tout le monde sait que c’est en les mettant dans le cendrier. Je lui jette mon regard le plus assassin possible et il me regarde à la manière d’un chiot. Adorable. Je me lève.
- Faut que j’aille me préparer.
Ohlala, qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire, vu la tronche que je me paie ça va être dur de me rendre ne serait-ce que présentable.
Peter
Je consulte ma montre. 16h20. Seb et moi on commence à s’impatienter, mais qu’est-ce qu’elles font ?! Ca fait 10 minutes qu’on attend Vey et Angie ! Tous les autres élèves sont déjà réunis à l’extérieur et les vieux vont pas tarder à arriver.
Et tout à coup je les vois. D’abord Angele, et je me dis qu’elle porte son prénom mieux que jamais. Ses cheveux sont détachés, tombant en cascade sur ses épaules nues, et elle porte une robe bleu nuit et des chaussures à talons. Merde, comment elle arrive à marcher avec ça ? Elle est légèrement maquillée et a autour du cou une chaîne en argent avec un pendentif que je reconnais immédiatement, même d’ici. C’était son frère qui lui avait offert pour Noël. ils étaient allés voir le seigneur des anneaux ensemble et elle avait flashé sur le collier d’Arwen, l’étoile du soir. Il avait fait les magasins toute la journée du lendemain, me traînant avec lui, et quand il l’a trouvé il était fou de joie. Elle ne l’avait plus mis depuis sa mort, je croyais qu’elle s’en était débarrassée. Elle commence à descendre les marches, se tenant à la rambarde. Et c’est comme si tout se jouait au ralenti. Seb me file un coup de coude et me dit à voix basse de fermer la bouche.
Sébastian
Enfin voilà Angele, elle descend les marches mal à l’aise sur ses talons. Mais que peut bien foutre En…vey. Wow elle arrive. Je ne pensais pas un jour la voir comme ça…elle est…magnifique. Elle porte une robe noire s’arrêtant aux genoux et sans bretelles qui semble être seulement tenue par un ruban en soie, lui aussi, noir, qui fait le tour de sa poitrine. Elle n’a plus aucune tresse, dread ou mèche colorée ; ses cheveux, à présent parfaitement châtain clair sont relevés en arrière et une ou deux mèches lui effleurent les joues. Elle porte le pendentif en argent représentant un ange que je lui avais offert lors de notre premier jour de « liberté ». Contrairement à Angie, elle marche d’un pas assuré sur ses talons aiguille dont les lacets s’enroulent autour de ses longues jambes. Elle sourit, sûrement amusée par mon état d’hébétude totale. Une fois devant moi, elle me prend les mains.
- Cette robe est atrocement inconfortable. Profite de la vue, parce que ce sera la seule et unique fois que tu me verras comme ça.
- Je…
- Bon ! On y va !
Elle lâche une de mes mains et me tire par l’autre. Je stoppe net, l’attire contre moi et, avant qu’elle n’ait eu le temps de réagir, l’embrasse fougueusement. Elle met ses bras autour de mon cou et je sens une de ses jambes m’entourer. Sa robe étant fendue sur ce côté j’en profite pour glisser ma main sur sa cuisse. Elle recule soudainement.
- J’ai mis trop de temps à me préparer pour que tu m’arraches cette robe déjà maintenant ! Et en plus on est pas seuls…qu’est-ce qui t’a pris ?
Elle abuse, elle avait pas vraiment l’air contre.
- Je savais que j’aurais envie de t’embrasser toute la soirée et que je ne pourrais pas le faire une fois dehors alors…
- Mmmh…excuse valable, surtout te connaissant…on s’éclipsera plus tard, promis, mais maintenant il est temps d’y aller avant d’être en retard.
Angele
Les premiers parents commencent à arriver et à rejoindre leurs enfants. Certains pleurent -de joie ?!- c’est pitoyable ! Tout à coup, j’entends un gloussement que je reconnaîtrais entre mille. Panpan redresse la tête, me faisant penser à une biche qui aurait entendu le son du cor.
- Oh non…
Puis une voix masculine s’exclame :
- Fils !
Une petite femme blonde se jette sur lui, suivie d’un homme d’une cinquantaine d’années aux cheveux noir de jais. Une version encore plus classe de James Bond. Ils se tournent vers moi et me lancent un sourire inquiet. La mère de Peter, Gabrielle, me serre brièvement dans ses bras.
- Comme tu es jolie ! Tu vas bien ? Tes parents sont déjà là ?
- Ca peut aller et non, pas encore…
Elle ouvre son sac à main et en sort 2 sachets. Elle m’en tend un ainsi qu’à Pete.
- Je vous ai fait des biscuits ! Regardez-vous, on ne vous nourrit pas ici ?!
Cette femme est adorable. Derrière nous quelqu’un s’éclaircit la gorge. Sébastian. Gaby et Arthur se tournent vers lui et Envey.
- Oooh, fils, qui est cette charmante demoiselle ?
- Et ce beau jeune homme ?!
Ses parents sont tellement…complémentaires. Il fait les présentations…
Peter
Mes parents, Seb et Envey font rapidement connaissance puis mon père passe son bras autour de mes épaules et me dit d’un ton solennel que l’on doit parler. Lui et ma mère m’entraînent un peu plus loin, je me tourne vers les autres et leur fais comprendre que je les retrouve plus tard. Je culpabilise un peu de laisser Angie, surtout que ses rapports avec ses parents sont… Hmmm… Conflictuels. On parle un peu de l’école et il me demande de lui faire visiter. Heureusement qu’on a anticipé avec Seb et qu’on a rangé notre chambre. Je leur montre le parc, la salle commune, le réfectoire. Arrivés dans ma piaule ma mère se jette sur le sol et regarde sous mon lit.
- Tu ne caches plus tes magazines à cet endroit ?!
Oh mon dieu. Elle était donc au courant ?
Envey
On s’assied sur un banc et on regarde Pete s’en aller sous les grandes tapes amicales de son père et les pincements de joues de sa mère. Soudain je reconnais deux silhouettes familières qui viennent d’entrer dans le parc. La soirée s’annonce pire pour moi que le refus d’admission à l’école d’art à ce petit homme moustachu qui aimait de manière malsaine les croix gammées l’a été pour les juifs, que l’overdose de John Simon Ritchie aka Sid Vicious pour les punks, que la découverte de l’Amérique pour les Amérindiens, que la chirurgie esthétique pour Joan Rivers, non vraiment : cette soirée je la sens pas. J’envoie un coup de coude à Stian pour qu’il suive mon regard.
- Merde…
- …J’n’aurais pas dit mieux…
Il se lève et me tend la main pour m’aider à faire de même avant de se tourner vers Angele.
- Excuse-nous, Satan nous attend. Flippes pas trop pour tes parents, je suis sur que « tout se passera bien ».
Il sourit et sans attendre de réponse m’entraîne vers eux. Sa, enfin, notre mère se jette dans les bras de son fils « bien-aimé ». Lui ne bouge pas, il se contente de demander d’un air suspicieux.
- T’as de nouvelles lunettes m’man ?
Celle-ci recule et les réajuste nerveusement. Elles lui cachent presque la moitié de la figure, mais ce n’est pas suffisant pour dissimuler tous les hématomes. Stian ne lâche pas des yeux son père, il s’en méfie trop pour lui faire confiance.
- Je…euh…en ai des neuves parce que…euh…
William coupe sa femme d’un ton sec.
- Ta mère est tombée en rangeant des cartons dans le garage.
- Des cartons ?...ouais je vois l’genre…
Ignorant la réplique de Sébastian, il s’approche de moi et met sa main sur ma joue.
- Tu sais que tu m’as manqué toi ?
Je le gifle de toutes mes forces. Quel connard.
- Ne me touche pas.
Il attrape mon poignet et me force à avancer un peu plus vers lui. Je grimace, il serre trop fort. Son poing se place en face de mon visage. Je sens déjà le coup partir, je ferme les yeux mais rien. Je les rouvre, Stian l’a retenu.
- Arrête, ce n’est ni l’endroit ni le moment.
Il semble en colère mais son expression se transforme, il sourit. Vicieux.
- Vivement vos prochaines vacances ! Je m’en réjouis d’avance !
D’un mouvement brusque il se débarrasse de l’emprise et me lâche avant de se barrer vers le buffet. Benedict, notre mère, hésite un instant, même avec ses énormes lunettes noires je devine qu’elle est au bord des larmes. Elle caresse la joue de son fils puis me serre brièvement dans ses bras et murmure un « je suis tellement désolée » avant de rejoindre son mari. Je soupire.
- C’était limite…
- Ouais…
Il passe son bras sur mes épaules et on s’éloigne de la foule.
Angele
Je poireaute, il est 18h et un putain de violoniste joue en musique de fond. Mes vieux ne sont toujours pas là. Pincement au cœur. Je savais qu’ils viendraient pas. Et le pire c’est que je me retrouve comme une conne toute seule ! Seb et Envey se sont barrés, Pete pareil… Et je suis là, sur une chaise pliable blanche qui me meurtrit le dos, à siroter du jus de raisin dans une flûte à champagne en plastique à 1 dollars 95 les 400 pièces, en me demandant si ce que m’a dit Sébastian l’autre jour est vrai. Peter ne peut pas m’aimer, c’est un ami, il veille sur moi parce qu’il l’a promis à Mason mais ça s’arrête là. En même temps quel intérêt aurait eu Stian à me mentir ? Raaah ! En plus ces talons débiles me défoncent les pieds. Ca m’apprendra. Et à quoi je m’attendais ? A ce que mon paternel débarque avec un bouquet de fleurs, qu’il me dise que je suis magnifique et que j’ai grandi, qu'il essuie une larme en s’exclamant « ma petite fille devient une femme», qu’il parle avec ma mère, la voix remplie d’émotion, du temps où il m’apprenait à faire du vélo ? Bouhouhou, scénario typique du mauvais téléfilm. Franklin s’approche de moi, suivi de près par ses parents.
- M’man, p’pa, ça c’est Angie !
Ca ? Hum. Je me lève et serre la main de monsieur et madame Colin.
- Vous êtes dans la même classe que notre fils ?
- Oui.
- C’est mon amie !
Wow, son amie ? Eh ben, pour un type avec qui j’ai rarement échangé plus de 3 mots d’affilée… Je tape un peu la conversation, pour la forme, puis m’excuse en disant que je vais me repoudrer le nez. Ses parents sont aussi niais que lui. Le summum du ridicule ayant été atteint lorsque sa mère a sorti un mouchoir de sa poche qu’elle a léché de façon à nettoyer la tache qu’il avait sur la joue. Ewww. Je vais m’asseoir à l’intérieur, dans les escaliers, et enlève mes chaussures. Mal au crâne. J’appuie ma tête contre la rampe glacée et ferme les yeux. Le bruit de roues crissant sur du gravier me sort de mes pensées. Je jette un œil à l’extérieur et reconnais immédiatement la voiture de mes parents. Ma mère en sort, son éternel kit main libre à l’oreille. Je remets mes souliers, elle entre dans le hall et me remarque. La voiture s’éloigne alors que la douce voix de maman ressort cette phrase que j’ai entendue si souvent :
- Ecoutez Julio, je ne vous paie pas pour que vous passiez toutes vos soirées avec votre petite amie ! Oui, femme, et alors ? Je n’en ai rien à faire que vous deviez vous occuper de votre fille, merde, à 7 mois un gosse ne peut pas réclamer tant d’attention que ça ?! Je veux ce dossier sur mon bureau demain matin, au plus tard. Je dois vous laisser.
Elle enlève son casque et le glisse dans son sac à main.
- Timothy est allé garer la voiture. Il arrive.
- D’accord. Tu vas bien ?
- Oh, le travail, tu sais… J’ai eu une promotion.
- Encore ?
- Etonnant, on dirait que tu me le reproches…
L’atmosphère devient très tendue. Je ne réponds rien. Je me lève et me dirige vers elle. Elle dépose sur ma joue un baiser sec et mon père entre à ce moment.
- Oh ! Angela !
. . . Aïe.
- Elle s’appelle Angele !
- Depuis quand ?
Ca y est, ils commencent à s’engueuler…
- Depuis toujours !
- Ah oui, j’oubliais ! Tu as insisté pour qu’on remplace le a par un e ! Les prénoms moches, ça te connaît !
Famille, je t’aime.
- Moches ?! Tu crois quoi, que si on avait opté pour Angela elle aurait fait un film avec un pseudo-acteur-comique français ?! Toutes les Angela ne sont pas grandes, blondes et canons !
Ah non, la fille dans ce film n’est même pas jolie !
- Je le sais bien ! Comment veux-tu qu’en partageant tes gènes elle n’ait ne serait-ce qu’une once de beauté ?!
Wow ! Ca, ça fait mal. Quelqu’un s’éclaircit la gorge et on se tourne tous vers le haut de l’escalier. Stian.
- Personnellement…
Il commence à descendre les marches, tout en continuant à parler.
- Si je puis me permettre…
Il arrive à ma hauteur et passe ses bras autour de ma taille, me serrant contre lui.
- Je trouve votre fille très belle.
Il leur sourit et, alors que je crois déceler une pointe de jalousie dans le regard de ma mère, mon paternel est totalement estomaqué.
- Et vous êtes ?
- Sébastian.
Il se recule un peu et me prend la main.
- Tu viens ? Envie d’aller faire un tour dehors.
Pas besoin de me le dire deux fois, je le suis. Alors qu’on s’éloigne, j’entends mes vieux qui continuent de se chamailler.
- Même si elle est belle, ce n’est sûrement pas ton cas !
- En attendant tu m’as épousé !
- Tout le monde fait des erreurs.
On arrive à l’extérieur.
- Merci.
- C’est rien, j’étais juste là au bon moment…
Sébastian
- Merci, ce cours de maths commençait à sérieusement me saouler.
- De rien. Mets toi à l’aise.
Elle me montre la méridienne d’un geste de la main avant d’aller s’asseoir dans un grand fauteuil en cuir.
- Alors, commençons !
- Par quoi voulez-vous débuter ?
- Mmh…La visite de tes parents s’est bien passée ?
- J’aurais préféré qu’elle n’ait pas lieu, mais ça a été.
- D'accord. J'en conclus que le temps n'a pas amélioré vos relations... Il t'a frappé ?
Je lève les yeux au ciel et soupire. Elle me lâchera sûrement pas avec ça avant que je ne lui balance tout. Après ça elle se dira que je n’ai vraiment pas de chance, que j’ai pas été gâté, puis elle oubliera, la conscience tranquille.
- Non, pas moi.
- Ta sœur ?
- Failli, je l'ai stoppé, mais je me demande si il l'aurait vraiment fait, il y avait du monde autour de nous.
- Il vous a déjà frappé en public ?
Peu importe l’endroit, place de jeux, cinéma, cour d’école, magasin, restaurant, et je me rappelle d’une fois à l’église. Après celle là j’ai retenu le truc « On ne se moque pas du type sur la croix ». N’empêche que lorsqu’on à une coupe de cheveux comme celle de sa mère et qu’on a un prénom à coucher dehors…
- Non.
- Ca fait combien de temps qu'il a commencé à "passer ses nerfs" sur vous ?
- J'ai toujours eu l'habitude de me prendre une gifle pour un oui ou pour un non, la ceinture c'est venu plus tard…
Avant faut dire que y avait pas de magasin qui fasse des Levi’s d’aussi bonne qualité.
- …C'était d'abord réservé à ma soeur puis c'est devenu carrément commun.
- La dernière fois qu’il vous a frappés c’était quand ?
- He bien, il me semble que c’était lorsqu’on nous a retrouvés après notre fugue, quand on est rentrés de l’hosto…
Il ouvre violemment la porte et me pousse à l’intérieur de l’appartement. Wow, il n’a pas changé du tout depuis trois mois, tout est exactement comme la nuit où on a pris la clef des champs. Il entre à son tour tenant Envey par la nuque, elle grimace de douleur. On revient à peine de l’hôpital, elle est crevée, c’est vraiment pas le soir pour avoir une « petite discussion », comme il dit. Ma mère file en pleurs vers la chambre et s’y enferme. Elle refuse de croire, de savoir, elle fait comme si de rien n’était, c’est plus facile à vivre. Il ferme la porte à clé et jette Envey par terre. Moi qui pensais ne plus jamais avoir à subir ce genre de moments, quel con, j’ai été naïf. C’est mon père qui commence la partie et vas-y que je me prends son poing. Je ne lui rends pas, je ne suis pas comme lui, je me contente de cracher le sang que je sens venir dans ma bouche sur ses nouvelles godasses. M’aurait-il pété une dent ? Il ne me laisse pas le temps de vérifier et enchaîne les coups. L’un d’entre eux me coupe la respiration. Je recule pour essayer de reprendre un peu d’air. Inutile il ne me laisse pas le temps. Envey intervient en le poussant en arrière pour qu’il me laisse tranquille. Ma vision se brouille, qu’est-ce qu’il se…
J’ouvre les yeux, je suis allongé sur mon lit et mes côtes me font mal. Je regarde le plafond, je n’ose pas bouger. La seule lumière provient des quelques bougies qui brûlent ça et là et une douce musique un peu jazz me berce. Ca sent l’opium, Envey adore cet encens. Je me redresse et la cherche du regard un instant, elle est assise par terre, le dos appuyé contre le pieu. Je l’appelle, elle se retourne et me sourit. Elle me dit que j’ai perdu connaissance et qu’après en avoir eu fini avec elle, mon père m’a mis ici. Je la prends par le poignet, la fais venir à côté de moi et, lui disant de se tourner, enlève son t-shirt. Cinq grandes marques d’un rouge sombre rayent son dos, l’une d’entre elles particulièrement profonde. C’est le moment qu’elle choisit pour s’excuser, disant que, sans elle, on en serait pas là que si elle avait été plus forte, ils ne nous auraient pas eu. J’embrasse sa nuque et lui répond qu’elle n’a pas à être désolée, qu’après tout c’était juste trop beau pour être vrai.
Peter
On est en cours de dessin, et tout le monde est bien miné par le fait d’avoir vu ses parents avant hier. Tout est redevenu exactement comme avant : banal, morne, triste, déprimant, glauque. A ceci près que mon père m’a offert un dictionnaire des synonymes parce que je lui avais dis au tel que je pataugeais en dissertation de français. Je mets la touche finale à mon image et la regarde, plutôt satisfait. Pour une fois. Je me dirige vers le bureau du prof et il me le prend des mains.
- Maaaaaaaaaaaa ! Kécékécékéssa ?! Tou né po pas considélé ça comme dé l’artistisme ! Pas dé perspectives ! Nouances ? NAAAAAAADA ! Colorassionne ? Dépasse des bords ! Voloume ? NIET !
Colorassionne ? On dit coloriage !
- Tou a tlè mal fé la folmé dou visache ! Rétourne à ta place !
Je m’assieds et Franklin se penche par dessus mon épaule.
- Pourquoi il a dit ça ? Il est super joli ton cheval ! En plus c’est mes animaux préférés !
Ah, enfin quelqu’un qui reconnaît mon génie ! Je matte ce que lui a fait. C’est euh…
- C’est quoi ?
- Mon esprit.
- Des gribouillis avec un lapin rose ?
- Oui.
C’est ce moment que choisis le prof pour passer près de nous. Il jette un œil à sa feuille et…
- Maaaaaa ! Ouné cheffe d’œuvre ! Yé souis estomaqué ! C’est digne d’oune Edouard Dé Vinci ?
C’était pas Léonard ?
- Pouis-je l’afficher sour lé mour ?
- Euh… Si vous voulez…
Alors là ! Merde, je me casse le cul et… RAH ! M’en fiche, c’est qu’un cours débile de toute façon. Et puis je suis sûr que le prof est jaloux que je dessine mieux que lui.
Sébastian
Je n’aime pas les dimanche en général et celui-là ne déroge pas à la règle. Je me lève, enfile des fringues au bol, traîne les pieds jusqu’à la salle de bain pour me passer de l’eau froide sur le visage avant de me regarder dans la glace. J’essaie même pas de me coiffer, c’est couru d’avance. Je me frotte les yeux, m’étire puis retourne m’allonger à côté d’Envey qui dort encore. Pas étonnant, il n’est que 4 heures et il fait encore nuit dehors. Je la regarde dormir. Elle paraît si calme, si insouciante. Ma main glisse sur sa joue, ses lèvres s’animent en un léger sourire et alors que mon index commence à dessiner sa bouche, elle ouvre doucement les paupières. Elle murmure :
- Bonjour toi
- Bonjour ‘Vey
- Mmh…
Elle s’étire avant de remonter le drap sur sa tête.
- …L’est quelle heure ?
- 4 heures environ. Désolé je voulais pas te réveiller mais j’ai pas pu résister.
- Alotsébinquesuipadmatin !
Je rigole, elle est adorable.
- Quoi ?!
Elle repousse le duvet avant de me lancer un regard de reproche.
- J’ai dit : Salaud, tu sais bien que je ne suis pas du matin !
Elle m’envoie son poing en plein dans l’épaule. Je lui souris avant de venir sur elle.
- Tu vas me punir ?
- Mmh, tout dépend de comment tu veux te faire pardonner.
Je jette un regard rapide au réveil posé sur la table de nuit. 4h10. J’ai rendez-vous à 4h30, c’est jouable. J’enlève mon pantalon et ma chemise.
- Oh mon dieu qu’est-ce que tu fais ?! T’es fou, rhabille-toi !
C’est bien la première fois qu’elle me le dit ça…
- Ben…qu’est-ce qu’il y a ?
- Pete ! Voila ce qu’il y a !
J’éclate de rire.
- Ouais mais lui on s’en fout ! Il dort !
- Mais il peut se réveiller n’importe quand ! T’imagines si…
Je l’embrasse dans le cou, elle frissonne. Elle a sûrement déjà oublié ce qu’elle voulait dire.
Merde merde merde ! Chuis à la bourre. Je cours dans les couloirs, m’habillant en même temps. J’y suis presque plus que…Virage serré, chier mon fute ! N’ayant pas attaché ma ceinture mon pantalon descend quelque peu et…je m’étale. Oh non le naze. Je reste là à fixer le plafond, reprenant mon souffle. Encore heureux que personne n’ait vu ça. Soudain, la psychologue se penche au-dessus de moi.
- Tiens. Le sol c’est aussi l’endroit préféré de ma sœur…et des chiens.
Ouais je l’ai vu venir ça, c’était trop beau de s’en tirer sans témoin.
- Dites moi vous êtes bien matinale…
- Ben je viens de « rentrer ». Je comptais aller me coucher mais j'ai trouvé un mot m'indiquant que je devais te garder pour ta colle, du coup j'ai pris une douche et jsuis venue.
- Bon ben si c'est vous qui devez me surveillez, je peux le remonter dès maintenant.
Je me lève et m’exécute.
- Déçu que ce soit pas ta chère et tendre prof de bonnes manières ?
- Ouais elle est plus baisable que vous…
Je lui souris.
- Hmmm, si tu veux pas te retrouver avec une autre heure de colle parle moi correctement.
Elle me tire la langue et je lui fais pareil.
- A vos ordres maîtresse.
- Psy, je t'en prie, jamais je m'abaisserai à faire ce métier
Je me penche vers elle et lui murmure à l'oreille
- Je parlais pas de la profession
- Hmmm, même le prof de math est plus baisable.
- Ah ouais, sur que contre lui je fais pas le "Poids"
Elle éclate de rire.
- Allez, rentre
Envey
Non mais qu’est-ce qu’elle peut bien être en train de foutre ?! Je vais pas passer ma soirée dans cette chambre pourrie à l’attendre ! C’est pas parce que c’est son anniv que je dois poireauter mille ans ! Rrr…Je me laisse tomber en arrière sur mon pieu, les bras en croix, les yeux fermés. Ces dernières semaines ont été éreintantes, entre Angie qui est distante avec Pete, les cours de plus en plus durs et chiants, et le pire…cette sorte de routine qui s’est installée depuis la visite parentale qui a incroyablement refroidi l’ambiance. Tout le monde a dû descendre de son nuage et se rendre compte que, bientôt, on retournerait tous chez nous pour les vacances de Noël. La porte s’ouvre. Enfin, elle aura mis le temps !
- Salut Envey !
Je me redresse brusquement, ce n’est pas la voix d’Angele mais celle de…
- Tiens Franklin qu’est-ce que tu…
Mes yeux se portent sur le type à qui il donne la main et qui se tient un peu en retrait. Il est grand, black et incroyablement mignon.
- Ah! Voici Charly ! Je l’ai rencontré l’autre jour, il ne connaît pas encore beaucoup de monde alors je lui présente un peu des gens !
J’avais des doutes pour Franklin, autant dire que là, j’en suis sûre. Ca me fait sourire, moi qui pensait qu’il se ferait d’abord Pete. Je me lève et lui tend la main.
- Ravie de te rencontrer.
C’est le moment que choisis Angele pour entrer. Elle regarde la scène et ne peut empêcher son étonnement d’apparaître sur son visage. Silence. Je prends la parole.
- Euh, Angie je te présente Charly, un...euh…
- Son copain.
- Ah euh oui…son copain.
Brève poignée de main. Je sens que je vais éclater de rire, l’ambiance est trop bizarre. Ce qui est étrange ce n’est pas le fait que Franklin soit gay mais plutôt qu’il ne soit plus célibataire.
- Bon les amies ! Je pense qu’on va y aller nous !
Il fait un clin d’œil aussi discret que le vol en avion direction New York d’un extrémiste musulman avant de sortir.
- Bon moi je…vais dans l’autre chambre !
Je pars sans lui laisser le temps de répondre.
Peter
Je réajuste le ruban du paquet, vérifie une énième fois ma coiffure, respire un bon coup. Ce soir c’est le grand soir. Je lui dis que je l’aime. Et joyeux anniversaire. Mon cœur doit battre encore plus vite que celui de Christopher Reeve avant qu’il ne fasse son arrêt cardiaque. Espérons que je ne finirai pas comme lui, je suis sûr que je serais moche en version South Parkisée. Quoique, lui était déjà laid avant. Rah, je veux pas devoir être en chaise ! Ne t’emballe pas mon petit cœur, au pire c’est juste l’amour de ta vie qui te foutra un putain de vent. Très rassurant. Quand je pense que Seb a fini le whisky… Je prends le paquet qui renferme le bracelet que je compte offrir à Angie et réalise que mes mains tremblent encore plus que celles de Jean-Paul II lorsqu’il était au seuil de la mort, c’est à dire ces trente dernières années. J’enfile mon veston, mets mes chaussures, expire. Fixe mon reflet dans le miroir, plonge mes yeux dans les siens.
- Tu peux le faire.
C’est ce moment que choisit Stian pour entrer dans la salle de bain et crier :
- Oh oui ! Tu peux le faire ! Impossible n’est rien !
- Tu cites adidas maintenant ?
- Adidas ? Je croyais que c’était Voltaire !
J’éclate de rire et le poids dans mon estomac s’allège un peu. Pas beaucoup, mais c’est toujours ça.
- Donc, ce soir tu lui déclares ta flamme ?
- Ouais… Enfin, elle est très distante depuis quelques jours… Peut-être qu’elle se doute de quelque chose…
- Ce serait pas trop tôt ! Vous êtes pire que Brian Epstein et Lennon !
- Quelle référence !
Il me sourit.
- T’inquiète, ça ira…
- Jme fais pas d’illusions, mais j’espère qu’elle me rira pas trop au nez…
On entend la porte claquer et Envey entre puis croise les bras, s’appuyant contre le mur.
- Elle est dans notre piaule.
- Okay… Bon, j’y vais…
Je sors et arrive devant la chambre 101. Je frappe et elle vient m’ouvrir. Les yeux rouges. Argh.
- Oh, Pete…
Elle me fait entrer et aucun de nous deux ne prend la parole pendant plusieurs minutes.
- Il me manque…
Devant mon regard interrogatif, elle éclaircit sa pensée.
- Mason.
- Oh.
Je cherche mes mots sans les trouver.
- Normalement il…
Elle s’essuie les yeux et me sourit tristement.
- Qu’est-ce que tu voulais ?
- T’offrir ça…
Je lui tends le présent et son visage s’illumine.
- Alors t’as pas oublié ?
- Comment aurais-je pu ? Bon anniv !
Elle défait l’emballage et me saute au cou, ravie.
- Merci ! Il est trop joli !
Je lui réponds tout bas, plus pour moi que pour elle :
- Pas autant que toi
Elle n’entend pas, le passe à son poignet et me serre à nouveau dans ses bras. Allez, dis-lui, maintenant !
- Je…
Mains moites, je les enfonce profondément dans mes poches. Gorge sèche, les mots refusent de sortir. Un filet de voix s’échappe de mes lèvres.
- Je t’aime.
Puis je le répète plus fort. Elle me regarde, ouvre et ferme la bouche sans qu’aucun son n’en sorte. On dirait une carpe. Allez, achève-moi, fais pas durer le suspens, l’est pourri ton cliffhanger ! On sait tous comment ça finit !
- Doncymentaitpas
Quoi ? Qui est-ce qui mentait pas ? Elle continue :
- Je…
Oui ?!
- …dois y aller.
Elle sort de sa chambre à une vitesse ahurissante, me laissant seul. Et merde.
Angele
Putain !!! Pourquoi il me fait ça ?! J’ai été incapable de lui dire quoi que ce soit. Je sais que ma réponse lui fera du mal, et je veux pas qu’il souffre ! Il a toujours été là et moi… Oh non, ‘tain ! Ma ‘Gie… Pourquoi tu t’attaches qu’à des gars comme Sébastian ?! Mes pas me mènent dans le parc. Je m’assieds contre un arbre et fixe le bijou qu’il m’a donné. Il est si attentionné… Pourquoi est-ce que je… Le soleil est couché et je me rends compte que je suis glacée. Je suis dehors, en t-shirt, alors qu’on est bientôt en novembre. Débile. Rah, j’aurais dû m’y préparer… J’ai été encore plus aveugle que ce bon vieux Ray sur ce coup-ci. Qu’est-ce que je vais bien pouvoir lui dire ?! OH ! JE SAIS ! Il me suffit simplement de l’éviter ! Bon, ok, à côté de mon idée envoyer les troupes allemandes en Russie c’était un plan de génie. J’entends des brindilles craquer et tourne la tête.
- Stian !
Qu’est-ce qu’il fout là ?! Il s’approche de moi et me tend un lys.
- Cadeau… Je sais, c’est tout pourri, mais Pete m’a dit que c’étaient tes fleurs préférées…
- Il est magnifique ! Merci !
Il me prend la main et m’aide à me relever.
- Tu sais que ça m’a pris du temps pour te retrouver ?
Je lui réponds par un sourire. On se balade un moment et il se décide à rompre le silence.
- Alors, Panpan est passé aux aveux ?
- Ouais… Tain, en plus tu m’avais prévenue… Mais jvoulais pas voir la réalité… Quelle conne !
- Tu vas faire quoi ?
- J’en sais rien.
- Ok…
Je tremble et il le remarque. Il retire son veston et le pose sur mes épaules. Je me tourne vers lui et on s’arrête. Une question me démange.
- Au fait… Ce que tu as dis à mes parents pendant la « réunion »… Tu te souviens ?
- Oui. Pourquoi ?
- Tu le pensais vraiment ?
- Evidemment !
Je me met sur la pointe des pieds et, sans réfléchir, pose mes lèvres sur les siennes. Wow, j’en reviens pas que je sois en train de faire ça ! Il me rend mon baiser, passant ses bras autour de ma taille. J’ai pas soufflé mes bougies, mais mon vœu s’est quand même réalisé. On se sépare et je lui souris. Oulah, il a l’air bizarre…
- J’aurais pas dû faire ça, désolé.
Hein ?! Il fait un pas en arrière.
- Quoi ?! Mais ! Qu’est-ce que… Pourquoi ?!
- Envey et moi on s’aime, et je suis fidèle… Et Pete est mon ami, ça me gêne vis à vis de lui…
- Putain ! Ca avait pas l’air de te déranger y a 30 secondes !
- J’ai fait une erreur, ça arrive à tout le monde…
Je lui tourne le dos, une larme perle le long de ma joue, je l’écrase. Alors c’est ce que je suis ? Une erreur ?
- Angie… Regarde-moi… Chuis désolé…
Je laisse échapper dans un murmure :
- Ta gueule…
Ma voix se brise, je me brise. Il pose une main sur mon épaule, je me dégage d’un mouvement brusque.
- Arrête de jouer avec moi…
J’essaie de partir mais il me retient par le poignet. Alors que je m’apprête à lui en coller une, il bloque mon autre bras.
- Et toi arrête de fuir… Faudra bien que tu affrontes tes problèmes un jour ou l’autre.
Il me lâche. Je ne réplique pas et m’en vais en direction de l’école.
Angele
La prof de français vient de rentrer dans la classe et déjà elle fait crisser cette stupide craie contre le tableau noir. Pitié. Mon. Crâne. N’essayant même pas de déchiffrer son écriture maladroite digne d’un enfant de, hmmm soyons généreuse, 8 ans, j’attends qu’elle daigne prendre la parole. Pour le moment elle contemple ce qu’elle vient de gribouiller d’un air satisfait.
- Bien !
Elle applaudit légèrement, l’air toute émoustillée. Beurk, passé un certain âge ce genre de choses devraient être interdites. Bon, que pourrait-elle nous annoncer ? Le début de la troisième guerre mondiale ? Oh non, j’ai trouvé ! Les NSync reforment leur groupe ! Quoique, l’un et l’autre sont très similaires.
- Madame la directrice a placé toute sa confiance en moi et m’a chargée de vous transmettre un message de la plus haute importance !
Elle s’éclaircit la gorge. Vas-y, crache le morceau, c’est pas parce qu’une fois dans ta vie un être vivant autre que ton chien te témoigne un peu d’affection que tu dois étaler ta joie ! Merde, pense un peu aux autres…
- Vos parents vont venir vous rendre visITE !
Aie, elle a tapé dans les aigus sur la fin. Et qu’est-ce qu’elle raconte ?!
- L’école s’est chargée de tous les avertir que leur présence était obligatoire et… Demain, dès 17h, l’école leur ouvrira ses portes !
Un murmure s’élève dans la classe.
- N’est-ce pas magnifique ?! Et comme nous souhaitons tous que cet événement soit grandiose…
Tous ?! Pff… Est-ce que mes parents vont venir ? Wow… Je les vois mal quitter leur précieuuuuuuuuux travail pour une raison aussi futile que… moi.
- … nous avons décidé de vous accorder cette journée ainsi que celle de demain pour vous préparer et décorer l’école !
Oh. Mon. Dieu. Pas çaaaa !
Sébastian
Envey ouvre les différentes boîtes de lampions multicolores.
- Tu tiens l’échelle et je pose ces trucs ?
- Ouais ouais.
Je m’empare de l’objet qui a visiblement déjà bien vécu.
- T’es sûre de vouloir monter sur ce truc qui est sûrement de l’avant guerre ?
- C’est ça ou je monte sur tes épaules !
- Oula ! Bon ben dans ce cas, ce sera l’échelle !
J’évite in extremis une pomme de pin.
- Non mais oh ! T’es dangereuse !
Elle me tire la langue. Je lui tourne le dos et pose l’antiquité contre le premier arbre que je rencontre avant de vérifier sa stabilité.
- C’est bon tu peux…
Un cri de rage m’empêche de finir ma phrase. Je me retourne vers Envey, étonné, avant d’éclater de rire.
- Ne rigole pas et viens m’enlever ça!
Je m’approche d’elle et l’aide à se dépêtrer des lampions dans lesquels elle s’est emmêlée. Je lui tends la main pour qu’elle puisse se relever.
- Mais comment t’as fait ça ?!
- Oh c’est bon hein ! J’en sais rien, je voulais juste les démêler un peu.
- Ben c’est réussi !
Elle m’envoie son poing dans le ventre. Aoutch, elle frappe comme un homme.
- Arrête de te foutre de moi et viens tenir cette putain d’échelle de merde !
Envey
Sébastian est allongé sur son lit, les yeux clos, il fume. Je m’étends à ses côtés, il me prend dans ses bras pour que je puisse me blottir contre lui. Angie entre, suivie de Peter qui ferme violemment la porte derrière lui.
- Niaaaaaaaaaaaaaaaaaaah je suis mort.
Il se laisse tomber sur son lit.
- Et le petit côté on le replie sur le plus grand et on retourne le tout pour que ça fasse une jooooolie forme ! J’en ai marre ! Plus jamais je ne veux voir de serviette en papier de toute ma vie ! J’en ai plié des centaines toute la journée ! AAAAAAAH !!!!
Il se met un coussin sur le visage. Angele ne dit rien, elle s’assied sur un pouf et met de la musique. Les Lib’s, Arbeit Macht Frei. Bon choix, quand on voit comment on s’est fait utiliser aujourd’hui. Pete enlève soudainement l’oreiller.
- Vous savez ce que j’aime encore moins que les serviettes en papier ? Les profs qui nous exploitent comme ouvriers parce qu’ils sont ruinés. On se croirait dans une usine adidas !
Angele se redresse légèrement.
- A ceci près qu'on est pas asiatiques...Moi j’aime pas les idiots qui se prétendent poètes simplement parce qu’ils ont un blog et qu'ils font des posts comme "Le soleil brille, les oiseaux chantent, sur Amazon je consulte le prix de vente"... Oh non j’ai mieux ! Je supporte pas les mecs qui font style "jesuistonmeilleurami" et qui ne pensent qu'à te sauter !
Stian ouvre brusquement les yeux et la regarde. Un silence de mort accueille son idée. Elle a dit ça volontairement ? Si oui, quelle conne. Pour une fois je suis contente de voir Panpan sortir une énorme connerie.
- Je peux pas sacquer les supporters de foot !
- Et pourquoi ça ?
J’émets une hypothèse.
- Histoire de cœur qui a mal fini avec un Hooligan?
Sébastian s’étouffe presque en tirant sa taffe. Pete lève les yeux au plafond, l’air faussement rêveur.
- Il s'appelait Stephan et aimait la Guinness…
- Et il adorait le faire dans sa caisse ?
Stian en rajoute.
- Mais il n’était pas d’une grande tendresse…
J’enchaîne.
- Après tout ce n’était qu’une histoire de fesses
- Alors t’as finalement dû mettre fin à cette idylle, quelle tristesse !
Angie éclate de rire avec nous. Pete, toujours dans son délire, prend un air triste.
- C’est lui qui a cassé…
Fou rire général, on en peut plus. Ca doit être la fatigue ou tout simplement, cette saloperie d’appréhension que tout le monde cache comme il peut. Angele va s’allonger sur le lit de Pete. Je me lève et éteins la lumière, on ne voit plus que la énième sèche que se fume Stian depuis qu’on est ici. Je retourne me blottir dans ses bras, bercée par les battements de son cœur et la douce odeur de Marie Jane. Je l’embrasse dans le cou avant de fermer les yeux.
Angele
Le parc de l’école est magnifiquement décoré, on se croirait dans un teen movie lors du traditionnel bal. Oulahlah, la peur me fait définitivement dire n’importe quoi. J’ai l’estomac noué. On est tous à cran d’ailleurs, un peu stressés à l’idée de voir nos chers parents.
Pete arrête pas de faire des blagues vaseuses, la dernière en date étant « Comment on fait entrer 6 juifs dans une voiture ? ». C’est d’un goût ... d’autant que tout le monde sait que c’est en les mettant dans le cendrier. Je lui jette mon regard le plus assassin possible et il me regarde à la manière d’un chiot. Adorable. Je me lève.
- Faut que j’aille me préparer.
Ohlala, qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire, vu la tronche que je me paie ça va être dur de me rendre ne serait-ce que présentable.
Peter
Je consulte ma montre. 16h20. Seb et moi on commence à s’impatienter, mais qu’est-ce qu’elles font ?! Ca fait 10 minutes qu’on attend Vey et Angie ! Tous les autres élèves sont déjà réunis à l’extérieur et les vieux vont pas tarder à arriver.
Et tout à coup je les vois. D’abord Angele, et je me dis qu’elle porte son prénom mieux que jamais. Ses cheveux sont détachés, tombant en cascade sur ses épaules nues, et elle porte une robe bleu nuit et des chaussures à talons. Merde, comment elle arrive à marcher avec ça ? Elle est légèrement maquillée et a autour du cou une chaîne en argent avec un pendentif que je reconnais immédiatement, même d’ici. C’était son frère qui lui avait offert pour Noël. ils étaient allés voir le seigneur des anneaux ensemble et elle avait flashé sur le collier d’Arwen, l’étoile du soir. Il avait fait les magasins toute la journée du lendemain, me traînant avec lui, et quand il l’a trouvé il était fou de joie. Elle ne l’avait plus mis depuis sa mort, je croyais qu’elle s’en était débarrassée. Elle commence à descendre les marches, se tenant à la rambarde. Et c’est comme si tout se jouait au ralenti. Seb me file un coup de coude et me dit à voix basse de fermer la bouche.
Sébastian
Enfin voilà Angele, elle descend les marches mal à l’aise sur ses talons. Mais que peut bien foutre En…vey. Wow elle arrive. Je ne pensais pas un jour la voir comme ça…elle est…magnifique. Elle porte une robe noire s’arrêtant aux genoux et sans bretelles qui semble être seulement tenue par un ruban en soie, lui aussi, noir, qui fait le tour de sa poitrine. Elle n’a plus aucune tresse, dread ou mèche colorée ; ses cheveux, à présent parfaitement châtain clair sont relevés en arrière et une ou deux mèches lui effleurent les joues. Elle porte le pendentif en argent représentant un ange que je lui avais offert lors de notre premier jour de « liberté ». Contrairement à Angie, elle marche d’un pas assuré sur ses talons aiguille dont les lacets s’enroulent autour de ses longues jambes. Elle sourit, sûrement amusée par mon état d’hébétude totale. Une fois devant moi, elle me prend les mains.
- Cette robe est atrocement inconfortable. Profite de la vue, parce que ce sera la seule et unique fois que tu me verras comme ça.
- Je…
- Bon ! On y va !
Elle lâche une de mes mains et me tire par l’autre. Je stoppe net, l’attire contre moi et, avant qu’elle n’ait eu le temps de réagir, l’embrasse fougueusement. Elle met ses bras autour de mon cou et je sens une de ses jambes m’entourer. Sa robe étant fendue sur ce côté j’en profite pour glisser ma main sur sa cuisse. Elle recule soudainement.
- J’ai mis trop de temps à me préparer pour que tu m’arraches cette robe déjà maintenant ! Et en plus on est pas seuls…qu’est-ce qui t’a pris ?
Elle abuse, elle avait pas vraiment l’air contre.
- Je savais que j’aurais envie de t’embrasser toute la soirée et que je ne pourrais pas le faire une fois dehors alors…
- Mmmh…excuse valable, surtout te connaissant…on s’éclipsera plus tard, promis, mais maintenant il est temps d’y aller avant d’être en retard.
Angele
Les premiers parents commencent à arriver et à rejoindre leurs enfants. Certains pleurent -de joie ?!- c’est pitoyable ! Tout à coup, j’entends un gloussement que je reconnaîtrais entre mille. Panpan redresse la tête, me faisant penser à une biche qui aurait entendu le son du cor.
- Oh non…
Puis une voix masculine s’exclame :
- Fils !
Une petite femme blonde se jette sur lui, suivie d’un homme d’une cinquantaine d’années aux cheveux noir de jais. Une version encore plus classe de James Bond. Ils se tournent vers moi et me lancent un sourire inquiet. La mère de Peter, Gabrielle, me serre brièvement dans ses bras.
- Comme tu es jolie ! Tu vas bien ? Tes parents sont déjà là ?
- Ca peut aller et non, pas encore…
Elle ouvre son sac à main et en sort 2 sachets. Elle m’en tend un ainsi qu’à Pete.
- Je vous ai fait des biscuits ! Regardez-vous, on ne vous nourrit pas ici ?!
Cette femme est adorable. Derrière nous quelqu’un s’éclaircit la gorge. Sébastian. Gaby et Arthur se tournent vers lui et Envey.
- Oooh, fils, qui est cette charmante demoiselle ?
- Et ce beau jeune homme ?!
Ses parents sont tellement…complémentaires. Il fait les présentations…
Peter
Mes parents, Seb et Envey font rapidement connaissance puis mon père passe son bras autour de mes épaules et me dit d’un ton solennel que l’on doit parler. Lui et ma mère m’entraînent un peu plus loin, je me tourne vers les autres et leur fais comprendre que je les retrouve plus tard. Je culpabilise un peu de laisser Angie, surtout que ses rapports avec ses parents sont… Hmmm… Conflictuels. On parle un peu de l’école et il me demande de lui faire visiter. Heureusement qu’on a anticipé avec Seb et qu’on a rangé notre chambre. Je leur montre le parc, la salle commune, le réfectoire. Arrivés dans ma piaule ma mère se jette sur le sol et regarde sous mon lit.
- Tu ne caches plus tes magazines à cet endroit ?!
Oh mon dieu. Elle était donc au courant ?
Envey
On s’assied sur un banc et on regarde Pete s’en aller sous les grandes tapes amicales de son père et les pincements de joues de sa mère. Soudain je reconnais deux silhouettes familières qui viennent d’entrer dans le parc. La soirée s’annonce pire pour moi que le refus d’admission à l’école d’art à ce petit homme moustachu qui aimait de manière malsaine les croix gammées l’a été pour les juifs, que l’overdose de John Simon Ritchie aka Sid Vicious pour les punks, que la découverte de l’Amérique pour les Amérindiens, que la chirurgie esthétique pour Joan Rivers, non vraiment : cette soirée je la sens pas. J’envoie un coup de coude à Stian pour qu’il suive mon regard.
- Merde…
- …J’n’aurais pas dit mieux…
Il se lève et me tend la main pour m’aider à faire de même avant de se tourner vers Angele.
- Excuse-nous, Satan nous attend. Flippes pas trop pour tes parents, je suis sur que « tout se passera bien ».
Il sourit et sans attendre de réponse m’entraîne vers eux. Sa, enfin, notre mère se jette dans les bras de son fils « bien-aimé ». Lui ne bouge pas, il se contente de demander d’un air suspicieux.
- T’as de nouvelles lunettes m’man ?
Celle-ci recule et les réajuste nerveusement. Elles lui cachent presque la moitié de la figure, mais ce n’est pas suffisant pour dissimuler tous les hématomes. Stian ne lâche pas des yeux son père, il s’en méfie trop pour lui faire confiance.
- Je…euh…en ai des neuves parce que…euh…
William coupe sa femme d’un ton sec.
- Ta mère est tombée en rangeant des cartons dans le garage.
- Des cartons ?...ouais je vois l’genre…
Ignorant la réplique de Sébastian, il s’approche de moi et met sa main sur ma joue.
- Tu sais que tu m’as manqué toi ?
Je le gifle de toutes mes forces. Quel connard.
- Ne me touche pas.
Il attrape mon poignet et me force à avancer un peu plus vers lui. Je grimace, il serre trop fort. Son poing se place en face de mon visage. Je sens déjà le coup partir, je ferme les yeux mais rien. Je les rouvre, Stian l’a retenu.
- Arrête, ce n’est ni l’endroit ni le moment.
Il semble en colère mais son expression se transforme, il sourit. Vicieux.
- Vivement vos prochaines vacances ! Je m’en réjouis d’avance !
D’un mouvement brusque il se débarrasse de l’emprise et me lâche avant de se barrer vers le buffet. Benedict, notre mère, hésite un instant, même avec ses énormes lunettes noires je devine qu’elle est au bord des larmes. Elle caresse la joue de son fils puis me serre brièvement dans ses bras et murmure un « je suis tellement désolée » avant de rejoindre son mari. Je soupire.
- C’était limite…
- Ouais…
Il passe son bras sur mes épaules et on s’éloigne de la foule.
Angele
Je poireaute, il est 18h et un putain de violoniste joue en musique de fond. Mes vieux ne sont toujours pas là. Pincement au cœur. Je savais qu’ils viendraient pas. Et le pire c’est que je me retrouve comme une conne toute seule ! Seb et Envey se sont barrés, Pete pareil… Et je suis là, sur une chaise pliable blanche qui me meurtrit le dos, à siroter du jus de raisin dans une flûte à champagne en plastique à 1 dollars 95 les 400 pièces, en me demandant si ce que m’a dit Sébastian l’autre jour est vrai. Peter ne peut pas m’aimer, c’est un ami, il veille sur moi parce qu’il l’a promis à Mason mais ça s’arrête là. En même temps quel intérêt aurait eu Stian à me mentir ? Raaah ! En plus ces talons débiles me défoncent les pieds. Ca m’apprendra. Et à quoi je m’attendais ? A ce que mon paternel débarque avec un bouquet de fleurs, qu’il me dise que je suis magnifique et que j’ai grandi, qu'il essuie une larme en s’exclamant « ma petite fille devient une femme», qu’il parle avec ma mère, la voix remplie d’émotion, du temps où il m’apprenait à faire du vélo ? Bouhouhou, scénario typique du mauvais téléfilm. Franklin s’approche de moi, suivi de près par ses parents.
- M’man, p’pa, ça c’est Angie !
Ca ? Hum. Je me lève et serre la main de monsieur et madame Colin.
- Vous êtes dans la même classe que notre fils ?
- Oui.
- C’est mon amie !
Wow, son amie ? Eh ben, pour un type avec qui j’ai rarement échangé plus de 3 mots d’affilée… Je tape un peu la conversation, pour la forme, puis m’excuse en disant que je vais me repoudrer le nez. Ses parents sont aussi niais que lui. Le summum du ridicule ayant été atteint lorsque sa mère a sorti un mouchoir de sa poche qu’elle a léché de façon à nettoyer la tache qu’il avait sur la joue. Ewww. Je vais m’asseoir à l’intérieur, dans les escaliers, et enlève mes chaussures. Mal au crâne. J’appuie ma tête contre la rampe glacée et ferme les yeux. Le bruit de roues crissant sur du gravier me sort de mes pensées. Je jette un œil à l’extérieur et reconnais immédiatement la voiture de mes parents. Ma mère en sort, son éternel kit main libre à l’oreille. Je remets mes souliers, elle entre dans le hall et me remarque. La voiture s’éloigne alors que la douce voix de maman ressort cette phrase que j’ai entendue si souvent :
- Ecoutez Julio, je ne vous paie pas pour que vous passiez toutes vos soirées avec votre petite amie ! Oui, femme, et alors ? Je n’en ai rien à faire que vous deviez vous occuper de votre fille, merde, à 7 mois un gosse ne peut pas réclamer tant d’attention que ça ?! Je veux ce dossier sur mon bureau demain matin, au plus tard. Je dois vous laisser.
Elle enlève son casque et le glisse dans son sac à main.
- Timothy est allé garer la voiture. Il arrive.
- D’accord. Tu vas bien ?
- Oh, le travail, tu sais… J’ai eu une promotion.
- Encore ?
- Etonnant, on dirait que tu me le reproches…
L’atmosphère devient très tendue. Je ne réponds rien. Je me lève et me dirige vers elle. Elle dépose sur ma joue un baiser sec et mon père entre à ce moment.
- Oh ! Angela !
. . . Aïe.
- Elle s’appelle Angele !
- Depuis quand ?
Ca y est, ils commencent à s’engueuler…
- Depuis toujours !
- Ah oui, j’oubliais ! Tu as insisté pour qu’on remplace le a par un e ! Les prénoms moches, ça te connaît !
Famille, je t’aime.
- Moches ?! Tu crois quoi, que si on avait opté pour Angela elle aurait fait un film avec un pseudo-acteur-comique français ?! Toutes les Angela ne sont pas grandes, blondes et canons !
Ah non, la fille dans ce film n’est même pas jolie !
- Je le sais bien ! Comment veux-tu qu’en partageant tes gènes elle n’ait ne serait-ce qu’une once de beauté ?!
Wow ! Ca, ça fait mal. Quelqu’un s’éclaircit la gorge et on se tourne tous vers le haut de l’escalier. Stian.
- Personnellement…
Il commence à descendre les marches, tout en continuant à parler.
- Si je puis me permettre…
Il arrive à ma hauteur et passe ses bras autour de ma taille, me serrant contre lui.
- Je trouve votre fille très belle.
Il leur sourit et, alors que je crois déceler une pointe de jalousie dans le regard de ma mère, mon paternel est totalement estomaqué.
- Et vous êtes ?
- Sébastian.
Il se recule un peu et me prend la main.
- Tu viens ? Envie d’aller faire un tour dehors.
Pas besoin de me le dire deux fois, je le suis. Alors qu’on s’éloigne, j’entends mes vieux qui continuent de se chamailler.
- Même si elle est belle, ce n’est sûrement pas ton cas !
- En attendant tu m’as épousé !
- Tout le monde fait des erreurs.
On arrive à l’extérieur.
- Merci.
- C’est rien, j’étais juste là au bon moment…
Sébastian
- Merci, ce cours de maths commençait à sérieusement me saouler.
- De rien. Mets toi à l’aise.
Elle me montre la méridienne d’un geste de la main avant d’aller s’asseoir dans un grand fauteuil en cuir.
- Alors, commençons !
- Par quoi voulez-vous débuter ?
- Mmh…La visite de tes parents s’est bien passée ?
- J’aurais préféré qu’elle n’ait pas lieu, mais ça a été.
- D'accord. J'en conclus que le temps n'a pas amélioré vos relations... Il t'a frappé ?
Je lève les yeux au ciel et soupire. Elle me lâchera sûrement pas avec ça avant que je ne lui balance tout. Après ça elle se dira que je n’ai vraiment pas de chance, que j’ai pas été gâté, puis elle oubliera, la conscience tranquille.
- Non, pas moi.
- Ta sœur ?
- Failli, je l'ai stoppé, mais je me demande si il l'aurait vraiment fait, il y avait du monde autour de nous.
- Il vous a déjà frappé en public ?
Peu importe l’endroit, place de jeux, cinéma, cour d’école, magasin, restaurant, et je me rappelle d’une fois à l’église. Après celle là j’ai retenu le truc « On ne se moque pas du type sur la croix ». N’empêche que lorsqu’on à une coupe de cheveux comme celle de sa mère et qu’on a un prénom à coucher dehors…
- Non.
- Ca fait combien de temps qu'il a commencé à "passer ses nerfs" sur vous ?
- J'ai toujours eu l'habitude de me prendre une gifle pour un oui ou pour un non, la ceinture c'est venu plus tard…
Avant faut dire que y avait pas de magasin qui fasse des Levi’s d’aussi bonne qualité.
- …C'était d'abord réservé à ma soeur puis c'est devenu carrément commun.
- La dernière fois qu’il vous a frappés c’était quand ?
- He bien, il me semble que c’était lorsqu’on nous a retrouvés après notre fugue, quand on est rentrés de l’hosto…
Il ouvre violemment la porte et me pousse à l’intérieur de l’appartement. Wow, il n’a pas changé du tout depuis trois mois, tout est exactement comme la nuit où on a pris la clef des champs. Il entre à son tour tenant Envey par la nuque, elle grimace de douleur. On revient à peine de l’hôpital, elle est crevée, c’est vraiment pas le soir pour avoir une « petite discussion », comme il dit. Ma mère file en pleurs vers la chambre et s’y enferme. Elle refuse de croire, de savoir, elle fait comme si de rien n’était, c’est plus facile à vivre. Il ferme la porte à clé et jette Envey par terre. Moi qui pensais ne plus jamais avoir à subir ce genre de moments, quel con, j’ai été naïf. C’est mon père qui commence la partie et vas-y que je me prends son poing. Je ne lui rends pas, je ne suis pas comme lui, je me contente de cracher le sang que je sens venir dans ma bouche sur ses nouvelles godasses. M’aurait-il pété une dent ? Il ne me laisse pas le temps de vérifier et enchaîne les coups. L’un d’entre eux me coupe la respiration. Je recule pour essayer de reprendre un peu d’air. Inutile il ne me laisse pas le temps. Envey intervient en le poussant en arrière pour qu’il me laisse tranquille. Ma vision se brouille, qu’est-ce qu’il se…
J’ouvre les yeux, je suis allongé sur mon lit et mes côtes me font mal. Je regarde le plafond, je n’ose pas bouger. La seule lumière provient des quelques bougies qui brûlent ça et là et une douce musique un peu jazz me berce. Ca sent l’opium, Envey adore cet encens. Je me redresse et la cherche du regard un instant, elle est assise par terre, le dos appuyé contre le pieu. Je l’appelle, elle se retourne et me sourit. Elle me dit que j’ai perdu connaissance et qu’après en avoir eu fini avec elle, mon père m’a mis ici. Je la prends par le poignet, la fais venir à côté de moi et, lui disant de se tourner, enlève son t-shirt. Cinq grandes marques d’un rouge sombre rayent son dos, l’une d’entre elles particulièrement profonde. C’est le moment qu’elle choisit pour s’excuser, disant que, sans elle, on en serait pas là que si elle avait été plus forte, ils ne nous auraient pas eu. J’embrasse sa nuque et lui répond qu’elle n’a pas à être désolée, qu’après tout c’était juste trop beau pour être vrai.
Peter
On est en cours de dessin, et tout le monde est bien miné par le fait d’avoir vu ses parents avant hier. Tout est redevenu exactement comme avant : banal, morne, triste, déprimant, glauque. A ceci près que mon père m’a offert un dictionnaire des synonymes parce que je lui avais dis au tel que je pataugeais en dissertation de français. Je mets la touche finale à mon image et la regarde, plutôt satisfait. Pour une fois. Je me dirige vers le bureau du prof et il me le prend des mains.
- Maaaaaaaaaaaa ! Kécékécékéssa ?! Tou né po pas considélé ça comme dé l’artistisme ! Pas dé perspectives ! Nouances ? NAAAAAAADA ! Colorassionne ? Dépasse des bords ! Voloume ? NIET !
Colorassionne ? On dit coloriage !
- Tou a tlè mal fé la folmé dou visache ! Rétourne à ta place !
Je m’assieds et Franklin se penche par dessus mon épaule.
- Pourquoi il a dit ça ? Il est super joli ton cheval ! En plus c’est mes animaux préférés !
Ah, enfin quelqu’un qui reconnaît mon génie ! Je matte ce que lui a fait. C’est euh…
- C’est quoi ?
- Mon esprit.
- Des gribouillis avec un lapin rose ?
- Oui.
C’est ce moment que choisis le prof pour passer près de nous. Il jette un œil à sa feuille et…
- Maaaaaa ! Ouné cheffe d’œuvre ! Yé souis estomaqué ! C’est digne d’oune Edouard Dé Vinci ?
C’était pas Léonard ?
- Pouis-je l’afficher sour lé mour ?
- Euh… Si vous voulez…
Alors là ! Merde, je me casse le cul et… RAH ! M’en fiche, c’est qu’un cours débile de toute façon. Et puis je suis sûr que le prof est jaloux que je dessine mieux que lui.
Sébastian
Je n’aime pas les dimanche en général et celui-là ne déroge pas à la règle. Je me lève, enfile des fringues au bol, traîne les pieds jusqu’à la salle de bain pour me passer de l’eau froide sur le visage avant de me regarder dans la glace. J’essaie même pas de me coiffer, c’est couru d’avance. Je me frotte les yeux, m’étire puis retourne m’allonger à côté d’Envey qui dort encore. Pas étonnant, il n’est que 4 heures et il fait encore nuit dehors. Je la regarde dormir. Elle paraît si calme, si insouciante. Ma main glisse sur sa joue, ses lèvres s’animent en un léger sourire et alors que mon index commence à dessiner sa bouche, elle ouvre doucement les paupières. Elle murmure :
- Bonjour toi
- Bonjour ‘Vey
- Mmh…
Elle s’étire avant de remonter le drap sur sa tête.
- …L’est quelle heure ?
- 4 heures environ. Désolé je voulais pas te réveiller mais j’ai pas pu résister.
- Alotsébinquesuipadmatin !
Je rigole, elle est adorable.
- Quoi ?!
Elle repousse le duvet avant de me lancer un regard de reproche.
- J’ai dit : Salaud, tu sais bien que je ne suis pas du matin !
Elle m’envoie son poing en plein dans l’épaule. Je lui souris avant de venir sur elle.
- Tu vas me punir ?
- Mmh, tout dépend de comment tu veux te faire pardonner.
Je jette un regard rapide au réveil posé sur la table de nuit. 4h10. J’ai rendez-vous à 4h30, c’est jouable. J’enlève mon pantalon et ma chemise.
- Oh mon dieu qu’est-ce que tu fais ?! T’es fou, rhabille-toi !
C’est bien la première fois qu’elle me le dit ça…
- Ben…qu’est-ce qu’il y a ?
- Pete ! Voila ce qu’il y a !
J’éclate de rire.
- Ouais mais lui on s’en fout ! Il dort !
- Mais il peut se réveiller n’importe quand ! T’imagines si…
Je l’embrasse dans le cou, elle frissonne. Elle a sûrement déjà oublié ce qu’elle voulait dire.
Merde merde merde ! Chuis à la bourre. Je cours dans les couloirs, m’habillant en même temps. J’y suis presque plus que…Virage serré, chier mon fute ! N’ayant pas attaché ma ceinture mon pantalon descend quelque peu et…je m’étale. Oh non le naze. Je reste là à fixer le plafond, reprenant mon souffle. Encore heureux que personne n’ait vu ça. Soudain, la psychologue se penche au-dessus de moi.
- Tiens. Le sol c’est aussi l’endroit préféré de ma sœur…et des chiens.
Ouais je l’ai vu venir ça, c’était trop beau de s’en tirer sans témoin.
- Dites moi vous êtes bien matinale…
- Ben je viens de « rentrer ». Je comptais aller me coucher mais j'ai trouvé un mot m'indiquant que je devais te garder pour ta colle, du coup j'ai pris une douche et jsuis venue.
- Bon ben si c'est vous qui devez me surveillez, je peux le remonter dès maintenant.
Je me lève et m’exécute.
- Déçu que ce soit pas ta chère et tendre prof de bonnes manières ?
- Ouais elle est plus baisable que vous…
Je lui souris.
- Hmmm, si tu veux pas te retrouver avec une autre heure de colle parle moi correctement.
Elle me tire la langue et je lui fais pareil.
- A vos ordres maîtresse.
- Psy, je t'en prie, jamais je m'abaisserai à faire ce métier
Je me penche vers elle et lui murmure à l'oreille
- Je parlais pas de la profession
- Hmmm, même le prof de math est plus baisable.
- Ah ouais, sur que contre lui je fais pas le "Poids"
Elle éclate de rire.
- Allez, rentre
Envey
Non mais qu’est-ce qu’elle peut bien être en train de foutre ?! Je vais pas passer ma soirée dans cette chambre pourrie à l’attendre ! C’est pas parce que c’est son anniv que je dois poireauter mille ans ! Rrr…Je me laisse tomber en arrière sur mon pieu, les bras en croix, les yeux fermés. Ces dernières semaines ont été éreintantes, entre Angie qui est distante avec Pete, les cours de plus en plus durs et chiants, et le pire…cette sorte de routine qui s’est installée depuis la visite parentale qui a incroyablement refroidi l’ambiance. Tout le monde a dû descendre de son nuage et se rendre compte que, bientôt, on retournerait tous chez nous pour les vacances de Noël. La porte s’ouvre. Enfin, elle aura mis le temps !
- Salut Envey !
Je me redresse brusquement, ce n’est pas la voix d’Angele mais celle de…
- Tiens Franklin qu’est-ce que tu…
Mes yeux se portent sur le type à qui il donne la main et qui se tient un peu en retrait. Il est grand, black et incroyablement mignon.
- Ah! Voici Charly ! Je l’ai rencontré l’autre jour, il ne connaît pas encore beaucoup de monde alors je lui présente un peu des gens !
J’avais des doutes pour Franklin, autant dire que là, j’en suis sûre. Ca me fait sourire, moi qui pensait qu’il se ferait d’abord Pete. Je me lève et lui tend la main.
- Ravie de te rencontrer.
C’est le moment que choisis Angele pour entrer. Elle regarde la scène et ne peut empêcher son étonnement d’apparaître sur son visage. Silence. Je prends la parole.
- Euh, Angie je te présente Charly, un...euh…
- Son copain.
- Ah euh oui…son copain.
Brève poignée de main. Je sens que je vais éclater de rire, l’ambiance est trop bizarre. Ce qui est étrange ce n’est pas le fait que Franklin soit gay mais plutôt qu’il ne soit plus célibataire.
- Bon les amies ! Je pense qu’on va y aller nous !
Il fait un clin d’œil aussi discret que le vol en avion direction New York d’un extrémiste musulman avant de sortir.
- Bon moi je…vais dans l’autre chambre !
Je pars sans lui laisser le temps de répondre.
Peter
Je réajuste le ruban du paquet, vérifie une énième fois ma coiffure, respire un bon coup. Ce soir c’est le grand soir. Je lui dis que je l’aime. Et joyeux anniversaire. Mon cœur doit battre encore plus vite que celui de Christopher Reeve avant qu’il ne fasse son arrêt cardiaque. Espérons que je ne finirai pas comme lui, je suis sûr que je serais moche en version South Parkisée. Quoique, lui était déjà laid avant. Rah, je veux pas devoir être en chaise ! Ne t’emballe pas mon petit cœur, au pire c’est juste l’amour de ta vie qui te foutra un putain de vent. Très rassurant. Quand je pense que Seb a fini le whisky… Je prends le paquet qui renferme le bracelet que je compte offrir à Angie et réalise que mes mains tremblent encore plus que celles de Jean-Paul II lorsqu’il était au seuil de la mort, c’est à dire ces trente dernières années. J’enfile mon veston, mets mes chaussures, expire. Fixe mon reflet dans le miroir, plonge mes yeux dans les siens.
- Tu peux le faire.
C’est ce moment que choisit Stian pour entrer dans la salle de bain et crier :
- Oh oui ! Tu peux le faire ! Impossible n’est rien !
- Tu cites adidas maintenant ?
- Adidas ? Je croyais que c’était Voltaire !
J’éclate de rire et le poids dans mon estomac s’allège un peu. Pas beaucoup, mais c’est toujours ça.
- Donc, ce soir tu lui déclares ta flamme ?
- Ouais… Enfin, elle est très distante depuis quelques jours… Peut-être qu’elle se doute de quelque chose…
- Ce serait pas trop tôt ! Vous êtes pire que Brian Epstein et Lennon !
- Quelle référence !
Il me sourit.
- T’inquiète, ça ira…
- Jme fais pas d’illusions, mais j’espère qu’elle me rira pas trop au nez…
On entend la porte claquer et Envey entre puis croise les bras, s’appuyant contre le mur.
- Elle est dans notre piaule.
- Okay… Bon, j’y vais…
Je sors et arrive devant la chambre 101. Je frappe et elle vient m’ouvrir. Les yeux rouges. Argh.
- Oh, Pete…
Elle me fait entrer et aucun de nous deux ne prend la parole pendant plusieurs minutes.
- Il me manque…
Devant mon regard interrogatif, elle éclaircit sa pensée.
- Mason.
- Oh.
Je cherche mes mots sans les trouver.
- Normalement il…
Elle s’essuie les yeux et me sourit tristement.
- Qu’est-ce que tu voulais ?
- T’offrir ça…
Je lui tends le présent et son visage s’illumine.
- Alors t’as pas oublié ?
- Comment aurais-je pu ? Bon anniv !
Elle défait l’emballage et me saute au cou, ravie.
- Merci ! Il est trop joli !
Je lui réponds tout bas, plus pour moi que pour elle :
- Pas autant que toi
Elle n’entend pas, le passe à son poignet et me serre à nouveau dans ses bras. Allez, dis-lui, maintenant !
- Je…
Mains moites, je les enfonce profondément dans mes poches. Gorge sèche, les mots refusent de sortir. Un filet de voix s’échappe de mes lèvres.
- Je t’aime.
Puis je le répète plus fort. Elle me regarde, ouvre et ferme la bouche sans qu’aucun son n’en sorte. On dirait une carpe. Allez, achève-moi, fais pas durer le suspens, l’est pourri ton cliffhanger ! On sait tous comment ça finit !
- Doncymentaitpas
Quoi ? Qui est-ce qui mentait pas ? Elle continue :
- Je…
Oui ?!
- …dois y aller.
Elle sort de sa chambre à une vitesse ahurissante, me laissant seul. Et merde.
Angele
Putain !!! Pourquoi il me fait ça ?! J’ai été incapable de lui dire quoi que ce soit. Je sais que ma réponse lui fera du mal, et je veux pas qu’il souffre ! Il a toujours été là et moi… Oh non, ‘tain ! Ma ‘Gie… Pourquoi tu t’attaches qu’à des gars comme Sébastian ?! Mes pas me mènent dans le parc. Je m’assieds contre un arbre et fixe le bijou qu’il m’a donné. Il est si attentionné… Pourquoi est-ce que je… Le soleil est couché et je me rends compte que je suis glacée. Je suis dehors, en t-shirt, alors qu’on est bientôt en novembre. Débile. Rah, j’aurais dû m’y préparer… J’ai été encore plus aveugle que ce bon vieux Ray sur ce coup-ci. Qu’est-ce que je vais bien pouvoir lui dire ?! OH ! JE SAIS ! Il me suffit simplement de l’éviter ! Bon, ok, à côté de mon idée envoyer les troupes allemandes en Russie c’était un plan de génie. J’entends des brindilles craquer et tourne la tête.
- Stian !
Qu’est-ce qu’il fout là ?! Il s’approche de moi et me tend un lys.
- Cadeau… Je sais, c’est tout pourri, mais Pete m’a dit que c’étaient tes fleurs préférées…
- Il est magnifique ! Merci !
Il me prend la main et m’aide à me relever.
- Tu sais que ça m’a pris du temps pour te retrouver ?
Je lui réponds par un sourire. On se balade un moment et il se décide à rompre le silence.
- Alors, Panpan est passé aux aveux ?
- Ouais… Tain, en plus tu m’avais prévenue… Mais jvoulais pas voir la réalité… Quelle conne !
- Tu vas faire quoi ?
- J’en sais rien.
- Ok…
Je tremble et il le remarque. Il retire son veston et le pose sur mes épaules. Je me tourne vers lui et on s’arrête. Une question me démange.
- Au fait… Ce que tu as dis à mes parents pendant la « réunion »… Tu te souviens ?
- Oui. Pourquoi ?
- Tu le pensais vraiment ?
- Evidemment !
Je me met sur la pointe des pieds et, sans réfléchir, pose mes lèvres sur les siennes. Wow, j’en reviens pas que je sois en train de faire ça ! Il me rend mon baiser, passant ses bras autour de ma taille. J’ai pas soufflé mes bougies, mais mon vœu s’est quand même réalisé. On se sépare et je lui souris. Oulah, il a l’air bizarre…
- J’aurais pas dû faire ça, désolé.
Hein ?! Il fait un pas en arrière.
- Quoi ?! Mais ! Qu’est-ce que… Pourquoi ?!
- Envey et moi on s’aime, et je suis fidèle… Et Pete est mon ami, ça me gêne vis à vis de lui…
- Putain ! Ca avait pas l’air de te déranger y a 30 secondes !
- J’ai fait une erreur, ça arrive à tout le monde…
Je lui tourne le dos, une larme perle le long de ma joue, je l’écrase. Alors c’est ce que je suis ? Une erreur ?
- Angie… Regarde-moi… Chuis désolé…
Je laisse échapper dans un murmure :
- Ta gueule…
Ma voix se brise, je me brise. Il pose une main sur mon épaule, je me dégage d’un mouvement brusque.
- Arrête de jouer avec moi…
J’essaie de partir mais il me retient par le poignet. Alors que je m’apprête à lui en coller une, il bloque mon autre bras.
- Et toi arrête de fuir… Faudra bien que tu affrontes tes problèmes un jour ou l’autre.
Il me lâche. Je ne réplique pas et m’en vais en direction de l’école.
12 commentaires:
Et voilà.
Je m'étais promis de faire plein de trucs aujourd'hui. J'avais prévu de m'occuper de papiers importants, de bricoles à la con qui trainent trop, de révisions et soutenances à préparer, bref j'avais un Week end booké et qui prenait correctement en compte mon quota vital d'heures à tourner en rond sur internet. Il ne me manquait plus qu'à prier pour qu'il n'y ait pas d'imprévu.
EH BEN NAN. Il a fallu qu'Orackle me présente à Iris cet après midi même. Et il a fallu qu'Iris me présente cette fic. Et il a fallu que moi, en bon gros gland des familles qui sait pas mesurer sa gentillesse, je me lance dans sa lecture ! grmpf, le con.
Non parce qu'en plus faut comprendre que moi, la lecture ... Pour vous faire une idée, de mon propre gré, j'ai du lire que 4 ou 5 bouquins en 10 ans ...
Mais voilà ...
Il est 4h28 du matin et je viens de finir le chapitre 6 (oui parce qu'en plus, plus lent que moi pour lire, tu meurs ...).
Plus de 100 pages, si j'ai bien compris. 100 pages d'un coup, non mais tu le crois ça ?!
J'veux dire, si une fiction arrive à captiver un boulet de la lecture comme moi pendant 100 pages, jusqu'à une heure aussi tardive, alors que y'a plein de sites de cul qui n'attendent que moi ... c'est forcément qu'elle est un minimum bien foutue ! Surtout qu'Iris est mineure et habite loin de chez moi, alors on peut même pas dire que j'ai fait cet effort dans une optique malsaine ... ou alors c'est un sacré pari sur l'avenir ... nan vraiment je vois pas d'autre solution, j'y connais pas grand chose en lecture mais je vois que cette conclusion : cette fic est captivante.
Et je suis même parti pour revenir lire la suite dès que j'en aurai le temps. Chapeau !
Continuez bien :)
Bonjour Mesdemoiselles,
Un nouveau chapitre appelle un nouveau commentaire... Et encore une fois je me répendrais en éloge : BRAVO, le Nobel de Littérature a déjà été donné, permettez qu'en pensé au moins je vous l'attribue. Un adjectif pour ce chapitre : MAGNIFIQUE. Tout simplement du sublime, de la grandeur, de la hauteur dans cette nouvelle "page".
Je pense que c'est le plus abouti de vos chapitres ; et je ne peux que lui rendre hommage en le commentant comme on le fait des grandes oeuvres. J'espère ne rien abîmer de la saveur de votre écriture par ces "savantes" interprétations mais bien toucher tout un chacun de ce divin suc qui coule en votre fic ! Très scolairement, je suis le texte.
Une entrée en matière comme vous savez le faire, in medias res, nous voilà (re)plongé dans cette drôle d'école avec ses étranges professeurs, tous plus fous les uns que les autres. Avec des pointes d'ironie virulente et désopilante ( " Bon, que pourrait-elle nous annoncer ? Le début de la troisième guerre mondiale ? Oh non j'ai trouvé ! les Nsync reforment leur groupe ! Quoique, l'un cet l'autre sont très similaire."). Et ce n'est pas la seule ! Loin de là !
Et voilà qui nous achemine à la première partie de ce chapitre, la visite des parents, ce qui permet de faire entrer en scène toutes les vies extérieures de vos personnages. Ils gagnent ainsi en profondeur. Et indirectement, cela met en mouvement la suite des évènements entre Sebastian et Angele.
Les descriptions des parents ont ça de variées qu'elles permettent de faire sentir toute la pensée des persoannges sur leurs propres parents et ceux des autres : pensons à Angele voyant les parents de Peter, ou ceux de Franklin ! Il en est de même avec Envey devant rétablir le "notre" mère en voyant la mère de Sebastian arrivée. Nous voyons là votre génie, Mesdemoiselles, de rendre la complexité des personnages ! Bravo. Ces descriptions ont aussi la force de joindre l'archétype et votre giffe et ce souvant par de jolies (et comiques) remarques : " - Oooh, fils, qui est cette charmante demoiselle ? / - Et ce beau jeune homme ?! / Ses parents sont tellement... complémentaires."
Passé cette soirée que je qualifierais d'épique, passons à la seconde partie de ce chapitre, dont l'entrée en matière ne manque ni de piquant ni sutour de génie (et de courage ?) littéraire ; une plongé in medias res sans indications de temps, à nous de le comprendre. Merci de complimenter ainsi le lecteur à nous d'être attentif à votre texte et à votre écriture tendue. Je cite l'entrée : " - Merci, ce cours de maths commençait à sérieusement me saouler. / - De rien. Mets toi à l'aise. / Elle me montre la méridienne d'un geste de la main avant d'aller s'asseoir dans un grand fauteuil en cuir. - Alors, commençons ! / - Par quoi voulez-vous débuter ? / - Mmh... La visite de tes parents s'est bien passée ?"
Je relève dans ce passage avec la psychologue l'excellente entrée et description de l'analepse (le flash-back ^^) de Sebastian. Entrée encore une fois dans le passé des personnages et leur rapport au monde ; même si c'est ici monde de fiction. Je pose juste ici une interrogation à propos de l'entrevue entre Sebastian et la psy : a-t-elle lieu avant le cours de dessin de Peter, ou est-ce le même jour ? Une petit incertitude de lecture de ma part et votre texte ne me permet pas de trancher explicitement.
Dernier temps et de cette seconde partie et du chapitre, l'anniversaire d'Angele. Dernier saut et non des moindres, rebondissement ultime mais qui loin de clôre l'action ne fait qu'ouvrir des portes et donc des possibilités ! Un épisode rondement mené si j'ose dire avec un intervention cocasse de Franklin et de son petit copain (tiens une aventure homosexuelle dans le tout, brillante idée !). Je passe pour faire plus cort les importantes et excellentes remarques ironiques, toutes ces comparaisons plus comiques les unes que les autres ! Enfin tout de même pour le plaisir j'en cite deux : " Il fait un clin d'oeil aussi discret que le vol en avion direction New York d'un extrémiste muslman avant de sortir." et " [Je] réalise que mes mains tremblent encore plus que celles de Jean-Paul II lorsqu'il était au seuil de la mort, c'est-à-dire ces trentees dernières années."
La scène de déclaration de Peter a cette force de mélanger l'émotion triste d'Angele pensant à son frère, le trouble de Peter, la joie demi-teintée d'Angele et le désespoir face à cette suspension de la réponse de Peter. Et rien, rien ne fait de cette scène un cliché digne des pires soaps et autre hollywooderies à l'essence de rose 200% de concentration ! Merci et Bravo !
Enfin, le baiser volé, tout comme cette déclaration de Peter ne ferment pas le rideau mais bien au contraire ne suscite que l'attente de l'acte suivante. Le rideau tombe sur ce chapitre, le voilà rouvert sur le septième. En un mot, MERCI Mesdemoiselles et encore un très grand BRAVO. Vous le méritez.
Trenc'.
(Voilà, j'espère que cela vous aura fait plaisir et que je n'ai pas trop été universitaire ! Mais face à un tel texte, il m'est difficile de ne pas le lire avec l'oeil brillant et amoureux du Littéraire. Milles bises et à très vite. Venez me voir bien entendu pour parler de ce commentaire - comme d'autres choses).
Ce nouveau chapitre est bien mieux que les precedents (pas dur non plus) mais je le trouve pour ma part un peu court ... j'attends avec impatience la suite ... sinon les commentaires d'une des "ecrivaines" (hmmmm.... ) sont des plus etranges ... mais bon le chapitre etant sympa je passerais pour cette fois ;)
exelent comme d'ab (et arretez de critiqué votre chapitre 5 il est tres bien meme si c le moin bien) enfin bref continué comme ça ;) c exelent ce que vous faite j'attend la suite ^^ ...
MAGNIFIQUE
*attend la suite impatiament !*
Commentaire numéro 1 :
Comme je te l'avais dit Iris, ce n'était pas tant que le précédent chapitre était moins bon, c'était surtout le fait de lire la fic morceau par morceau qui le desservait. Alors que la pause aurait pu être la bienvenue si nous lisions la totalité de la fic d'une seule traite, là elle paraissait un peu longue quand on ne lisait qu'elle. C'est évidemment le danger, et il fallait bien que cet écueil arrive un jour. Mais voilà qu'on redémarre sur les chapeaux de roue avec un excellent sixième chapitre !
Cependant ! Steve ! Je vous avais dit de l'appeler Steve ! S-T-E-V-E ! Pas Charly ! Charly, Charly ça fait toxicoquisertàriendanslasériquisertàrienetquis'appelleLostalorsqu'avantiljouaitunhobbitàlakonh.
Brayfe, à dans quelques secondes !
Commentaire numéro 2 :
Bon, alors que dire? Huh? :O
Ah ouais, The Servant c'est le bien, t'as intérêt d'en profiter mais reste pas trop longtemps faut que t'écrives la suite :O.
Bon, je laisse un commentaire, vite fait
Mieux que le précédent, que dis-je que les précédents même, j'ai bien aimé. Beaucoup de diversités dans ce chapitre, ce qui coupe avec le surplace du chapitre 5. Voila voila...Je ne ferais pas de commentaire sur le personnage de Fran... HUM HUM
Bon, a plus ^^
Voila qui remonte le niveau du précédent chap, c'est clair beaucoup mieux, enfin on découvre plus de truc et tout et tout, moi j'aime. Encore très bien écrit.
Ya un truc dans vos fics que j'adorre vraimment c'est les clichés et les références, sérieux toute les 10 lignes il y en a une donc toute les 10 lignes je rigole ;)
Alors continuez comme ça et vivement le chap 7.
Bon suis désolé ce commentaire va être très court parce que...on va mettre ça sur le compte du manque d'inspiration...
Donc perso je trouve que ce chapitre est bien mieux que le précédent quoi que le précédent aussi était bien, ça n'avait rien à voir avec le "niveau" des précédents mais il était déjà bien...
Bon je m'égare là ce com est censé être court...Donc comme d'habitude j'attend la suite !
Magnifique ce passage , les ellipses sont bien placées et puis les pensées des personnages sont tellements drole parfois , et puis les flashs back chez la psy sont eux aussi très intérressants, bref très bon techniquement mais aussi émotionnelement
gros bisous a vous les filles
ah bah voila! c'est deja beaucoup mieux que le chapitre 5...j'espere que le 7 sera encore mieux, le 8 aussi etc...
donc voila!!
je le repete, j'adore c'que vous faites, pourtant je sui pas un gros lecteur mais j'ssaye d'en lire autant que je peux et j'aime beaucoup!
allez, a+ les filles!!
PS:j'ai quand meme presque un an de retard sur les autres personnes...
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