Chapitre 12
Chapitre 12
Peter
On revient de l’enterrement, et on va directement à sa chambre.
- Alors, de quoi parlait Jared tout à l’heure ?
Elle me prend par la main et me fait m’asseoir à côté d’elle sur son lit, plonge son regard dans le mien. J’y lis une tristesse incroyable.
- Qu’est-ce qui t’arrive ma puce ?
- Je… Je veux pas te perdre mais… Si je… Tu vas forcément être dégoûté comme je le suis quand…
Elle ne termine pas sa phrase, la voix brisée. Je prends doucement son visage entre mes mains mais elle rompt le contact, s’éloignant brusquement.
- Bébé…
- Promets. Promets-moi que tu ne me détesteras pas…
- Qu’est-ce que tu peux bien avoir de si hor…
- Jure-le.
- Je… D’accord.
Elle se lève et va s’asseoir sur son bureau, face à moi.
- Je…Comment commencer…
- Tu…
Lilly me coupe :
- Et ne dis rien avant que… Avant que j’aie fini.
Je m’apprête à répondre par l’affirmative mais elle commence, d’une voix lointaine :
- D’abord je dois te parler de ma famille. Ma mère est morte alors que j’avais à peine 1 an. Je ne me souviens plus d’elle, mais mon frère m’a répété toute ma vie qu’elle m’aimait et que c’était une femme admirable. Quand elle est morte, il n’est resté plus que mon père, mon frère et moi. Mon père est pasteur et terriblement strict. J’ai été envoyée dans une école privée pour filles et c’est dans cette chaleureuse ambiance que j’ai grandi, entre papa qui ne me laissait aucune liberté, et mon frère qui semblait suivre la même voie que lui. J’allais en cours, faisais mes devoirs, le ménage, le souper et passais le restant de la soirée à jouer du piano. C’était… ma seule joie. Quand mes doigts effleuraient les touches et que la musique s’élevait doucement dans les airs, je me sentais libre. Mon père détestait ça, mais il avait consenti à cette "frivolité" car mon frère l’y avait poussé. Les années ont passé, j’ai grandi. Je suis devenue jolie, il est devenu le pire des enfoirés. Je n’avais même plus le droit d’inviter des amies à la maison. Il ne m’embrassait même plus pour me souhaiter bonne nuit. Il ne me serrait plus dans ses bras. Les seuls mots qu’il m’adressait étaient des reproches. A force ses mots glissaient sur moi, ne m’atteignaient plus. Il a dû le voir car… Il a… Vendu mon piano. Ca doit paraître idiot mais le jour où je suis rentrée et que j’ai vu qu’il avait disparu du salon, c’est ce jour là que j’ai réellement cessé d’aimer mon géniteur. Ce n’était pas un problème d’argent, de ce côté on n’a jamais eu le moindre souci… Non, c’était juste qu’il ne voulait pas mon bonheur. Un jour à l’école, ma "meilleure amie", si tant est qu’on puisse lier un quelconque lien d’amitié avec quelqu’un qu’on ne voit que dans un contexte scolaire et avec qui on ne peut donc pas réellement discuter, un jour donc elle m’a parlé d’un bar où elle était allée la veille et où on pouvait jouer du piano… Le soir même, je m’enfuyais de la maison en cachette. J’y avais déjà souvent pensé, mais la peur que papa m’inspirait était plus forte que tout. Enfin, presque tout. Quelle futilité… J’ai trouvé sans problème, et quand j’ai à nouveau senti les notes qui sortaient littéralement de mon cœur, j’ai décidé que je ne pouvais plus continuer comme ça. Je devais partir. Je devais fuir sinon c’était mon âme qu’il allait tuer, après ma joie de vivre. Mais il me fallait de l’argent. Il me le fallait rapidement. J’ai donc cherché un emploi qui paie bien, et que je puisse faire de nuit. Oh non, ne me regarde pas comme ça… Je… Je me prostituais pas, si c’est ce que tu penses… Mais tu imagines bien que le moyen le plus simple de se faire de la thune ne pouvait pas être sans compromis… En gros, ça pouvait se faire que sans fringues. Je suis devenue danseuse. Sur "scène", je n’étais plus vraiment moi. Je n’aurais pas supporté sinon. Je buvais avant d’y aller. Mais pour encaisser, oh ça oui j’encaissais. Je rangeais les billets dans une boite, que je planquais dans mon casier. Je ne dormais plus beaucoup et mon frère s’inquiétait, mais je lui disais que j’avais simplement quelques "difficultés d’endormissement"… Un jour, un des clients m’a invité à aller boire un café. Il était venu chaque soirs, les 3 week-ends qui avaient précédé, et il était vraiment très mignon alors… J’ai accepté. On a parlé, j’ai appris à le connaître. Ses parents l’avaient envoyé dans une école militaire et il ne rentrait pas chez lui en fins de semaines.
Hein ?! Attends, je...
- Oui, tu le connais. C’est Jared. On a beaucoup parlé, tellement que c’est tout juste si j’ai réussi à me faufiler dans ma chambre à temps pour que mon père ne soit pas au courant que j’étais sortie. On s’était dit qu’on remettrait ça à sa prochaine permission. Et on l’a fait. Je sais pas trop combien de fois on s’est vu, peut-être pendant un mois, mais… Enfin, avec un type comme lui, ça peut pas rester très longtemps du domaine du "sage"… Ca m’a vraiment aidé à décompresser, on a continué à se voir même si on s’était mis d’accord sur le fait que c’était simplement pour s’amuser. Un soir il m’a proposé de venir à une fête organisée par ses camarades de l’école. Jamais j’aurais dû y aller mais… Si seulement je pouvais effacer le moment où j’ai accepté… Mais on ne change pas le passé, sauf si on s’appelle Miniver… Et encore. J’ai beaucoup bu ce soir là. Les verres défilaient, j’étais poussée par ses "amis". J’ai plus que quelques rares souvenirs qui ont survécu dans ma mémoire. Et Dieu sait que j’ai essayé de les oublier. Un moment, quatre, peut-être cinq types m’ont emmené dans une chambre. Je me souviens avoir croisé le regard de Jared alors que l’un d’eux me portait hors de la pièce où il se trouvait… Je revois son sourire. Puis c’est le trou noir. Rien. Je me suis réveillée avec un mal de crâne terrible… Et…
Non pas ça mon amour… Pas ça… Sa voix est brisée, des larmes coulent sur ses joues. Je me lève et essaie de la prendre dans mes bras mais elle me repousse.
- Et sans mes fringues. Ces connards… Ces connards m’ont…
Oh seigneur…
- Ils ont osé me… J’ai rassemblé mes vêtements et… Je me suis rhabillée et je suis rentrée chez moi. Mon père n’était pas encore levé. Je me suis enfermée dans la salle de bain et quand j’ai croisé mon regard défait dans le miroir… Je me suis effondrée et j’ai vomi. Je me sentais… Si sale… Brisée… J’avais si mal… Je me suis mise sous la douche et l’eau tombait sur moi, mais rien… Je… J’ai pratiquement vidé la bouteille de gel pour le corps et celle de shampoing… Je me sentais si… souillée… Je me dégoûtais… Tu comprends… J’étais… J’ai passé si longtemps sous cette eau qui me brûlait, je frottais ma peau avec mes ongles jusqu’au sang… et j’ai compris que c’était peine perdue. Que quelque chose… S’était cassé la veille. Jamais je ne pourrais à nouveau être propre, jamais cette envie de vomir ne me quitterait… Et la haine qui est montée en moi à cet instant… était le sentiment le plus fort que j’aie jamais ressenti… J’ai contacté le type qui dirigeait l’école militaire de ces petits fils de putes… Je lui ai tout raconté… Je suppose qu’ils s’en sont pris plein la gueule. Je ne pouvais rien faire de plus sans que mon père soit au courant et… non, il m’aurait tuée… et c’était peut-être ma faute… Si je n’avais pas bu… Si j’avais fait plus attention… J’ai arrêté d’aller danser. J’aurais dû le faire plus tôt. Ca ne serait pas arrivé… Je serais restée pure… Un samedi à midi, alors que j’étais en train de préparer le dîner, mon père est entré en trombe dans la cuisine et m’a frappée. Je me suis effondrée au sol et il a commencé à parler… Un jeune homme prétendait me connaître et m’avoir vue danser nue… Il n’en avait pas cru ses oreilles, jusqu’au moment où ce jeune homme lui avait dit d’aller vérifier dans mon casier… Il avait trouvé l’argent. C’est alors qu’il a sorti ma boîte de son sac et qu’il l’a ouverte. Il m’a jeté les billets dessus et m’a craché au visage… Il a ajouté "Petite pute…" puis il est sorti. J’ai laissé le repas brûler, incapable de me relever jusqu’à ce que mon frère ne me trouve en larmes sur le carrelage et me porte à la salle de bain. J’avais la lèvre fendue, il l’a désinfectée… Mon paternel est entré et sans même me regarder m’a dit que je ne pouvais plus vivre dans cette maison, qu’il ne voulait pas de traînée sous son toit… Et… Voilà comment je me suis retrouvée ici.
Je n’arrive pas à ouvrir la bouche. Aucun son ne peut en sortir…
- Toi aussi je te répugne c’est ça ?
Elle se lève à son tour et s’essuie le visage. Je l’attire délicatement à moi et la prends doucement dans mes bras.
- Non… Jtaime… Et je… Je vais tuer Jared. Il les a laissés faire…
- Il y était pour rien. C'est juste que... Quand jlai revu... Ca allait mieux mais quand j'ai vu son visage tout m'est revenu en mémoire, j'avais tout refoulé et c'est juste... Un putain de boomerang.
Jared
Pfff, enfin rentré. J’envoie mon sac par terre et m’apprête à m’élancer sur le lit lorsque j’entends quelqu’un entrer. Je me retourne et évite in extremis le poing de Pete. J’attrape son poignet, l’immobilise en bloquant son bras derrière son dos et le plaque contre la porte.
- Bon, la dernière fois tu avais à la limite peut-être une raison, mais la PUTAIN QU'EST-CE QUE JE T'AI ENCORE FAIT ?!
- Aïe aïe aïe !
Je serre plus fort.
- Alors ?!J’attends. Qu'a donc le pauvre petit Panpan cette fois?
- LACHE MOI !
- PUTAIN REPONDS OU JE TE LE BRISE !
Encore plus. Il grimace de douleur et articule avec peine.
- LILLY !
- Quoi Lilly ?!
- Elle m'a raconté ce que tu lui as fait !
Rooh manquait plus que ça.
- Je ne lui ai jamais fait de mal alors je vois pas pourquoi tu viens râler.
- Tu l'as dénoncée à son père, tu l'as laissée se faire violer ! COMMENT TU AS PU PUTAIN ?!ENFLURE !
Bon vu comme ça…D’un coup sec je tire encore un peu plus sur son bras. Son visage se crispe, il ferme les yeux, sûrement à cause de la douleur.
- Alors écoute bien. Premièrement, la prochaine fois au lieu de te précipiter tête baissée, réfléchis. T’as aucune chance contre moi c’est totalement stupide ce que tu fais ce n’est pas en crevant que tu vas lui montrer que tu l’aimes et désolé mais manchot tu lui serviras plus à rien. Deuxièmement, assure-toi que la cause pour laquelle tu veux te « battre », si on considère qu’on peut appeler tes gesticulations bizarres se battre, est véridique. Il faut que tu comprennes que les gens ne disent pas toujours toute la vérité rien que la vérité et que parfois, une seconde version est nécessaire pour pouvoir porter un jugement. Maintenant tu vas écouter ce que je vais te raconter, tu vas le croire ou non, j’en ai rien à foutre, mais si tu reviens encore une fois pour essayer de me frapper je te jure que ça va mal finir et pas pour moi.
Je soupire. Pourquoi suis-je toujours obligé d’en arriver à ce genre d’extrémités ? Il ne pouvait pas simplement me demander ce qui c’était passé et s’en accommoder ?
- Oui Elizabeth s’est faite violer, oui c’était ma faute. J’aurais jamais dû l’inviter à cte soirée, j’aurais jamais dû lui présenter mes collègues et je n’aurais même jamais dû les suivre le premier soir dans ce bordel merdique. Mais que veux-tu ? C’est comme ça, si je pouvais y changer quelque chose, je le ferais. Mais il y a un truc que tu dois enregistrer Peter, je ne l’ai jamais touchée contre son gré et même si j’ai été nul, si j’ai été lâche, si j’étais trop défoncé pour réagir au moment ou il l’aurait fallu, je l’aimais… J’ai pété un plomb quand j’ai appris qu’elle croyait que moi aussi, je l’avais violée, que moi aussi, j’aurai pu lui faire ça. Elle m’a dénoncé au même rang que les autres et lorsque ceux-ci m’ont demandé si je savais quelque chose pouvant les aider à la couler, je leur ai dit pour l’argent et pour son père branché religion. Si elle avait porté plainte je me serais retrouvé en tôle au même prix que ces connards et pourquoi? Pour avoir trop bu lors d’une permission.
Je le lâche et recule de quelques pas, il regarde la porte sans bouger.
- Barre-toi maintenant s’il te plaît.
Il reste fixe, rooh non il va pas se remettre à m’attaquer, c’est que ça deviendrait vraiment lourd à force…
- Tu l'aimes encore ?
Si il était simple de répondre à ce genre de question…
- Parfois il m’arrive encore de le penser. Mais je suis avec Angele et malgré tout ce que peut bien croire un petit con comme toi, je tiens énormément à elle
- …Ne t’approche plus de Lilly. Elle n'éprouve plus rien pour toi, si ce n'est du dégoût.
Il sort sans même se retourner.
Sébastian
On parle on parle on parle. J’ai le droit à deux semaines de « répit » et je les passe en compagnie de la psy. Je préfère ça que de rester enfermé seul dans ma chambre, je suis à l’aise avec elle et ça me fait du bien de ne pas voir le même regard de pitié et de compassion que chez les autres. Jared garde tout, il ne laisse rien paraître, du moins pas devant moi. Il m’empêche de pleurer sur mon sort, me force à bouger, à me lever le matin. Pete reste très distant mais je ne le lui reproche pas, pour lui et Angie la mort d’Envey semble faire ressurgir de vieux démons. Moi, j’ai l’impression d’être anesthésié. Je n’arrive plus à pleurer, j’ai l’impression de ne plus avoir de larmes à faire couler ou en tout cas, plus la force pour. Assis dans le fauteuil que je pourrais presque considérer comme mien tellement je le squatte souvent, je joue avec un ressort multicolore, le tendant puis le détendant inlassablement.
- Tu pourrais éviter d’emmêler ce truc s’il te plaît ? Je l’aime bien.
- Ce truc s’appelle un Kirago.
- Ah bon ?
- Non, on appelle ça un ressort arc-en-ciel mais c’est d’un niais écœurant, ça n’a pas de vrai nom alors j’ai décidé de lui en donner un. Toute chose mérite d’avoir une appellation précise vous ne pensez pas ?
Je lui fais faire des allers-retours entre mes mains comme le ferai un croupier avec ses cartes pour les mélanger.
- Je crois que tu as raison mais dis-moi, ça fait pas deux semaines que ta sœur est morte et tu semble déjà t’en être totalement remis.
Aoutch. Coup bas.
- Je suis totalement insomniaque, à l’heure où je vous parle mes globules doivent se déplacer non plus dans du sang mais dans du whisky et à ce rythme, le fait que mon foie fonctionne encore parfaitement tient du miracle, et vos médocs je les prends comme des tic-tacs. Alors oui je vais bien, très bien ! pff…Vous voulez quoi de plus ?! Que je me mette à pleurer dans vos bras en faisant semblant de ne pas en profiter pour toucher votre énorme poitrine?! Que je vous dise que Kurt Cobain, Cléopâtre ou encore Elliot Smith ont simplement été plus réalistes que les autres en s’avouant que la mort est la seule échappatoire à la plupart des problèmes? Que lutter après tout, ça vaut pas la peine ?
Le Kirago heurte le sol et roule jusque sous le bureau. Je me penche en avant, appuyant mes coudes sur mes jambes pour mettre mon visage entre mes mains. Reste calme, reprends-toi.
- Non. Ca vaut la peine de se battre. Simplement si tu te détruis au lieu de laisser tout ça sortir, ta vie ne vaudra plus grand-chose.
- …elle ne vaut déjà plus rien, elle n’a plus de sens, plus d’intérêt…
- Pour le moment, elle en retrouvera tôt ou tard.
Je m’essuie le visage et me redresse pour la regarder.
- Je ne veux pas qu’elle en retrouve, pas sans elle.
- Et tes amis ?
- Je tiens à eux mais ne vais pas faire semblant d’aller bien pour qu’ils puissent simplement continuer à vivre dans leur petit monde coloré sans se poser de questions
- Tu peux... Croire en l'avenir. Ne fais pas semblant d'aller bien, tu leur manquerais de respect mais... Commence par survivre, et après...
…Réalise que ça ne sert à rien, que ça n’en vaut pas la peine.
- Je n'en ai pas envie. Je ne veux pas aller mieux, faire comme si elle n'avait jamais existé.
- Tu penses à elle ? Tu crois qu'elle voudrait que tu gâches ta vie pour elle ? Elle t'aimait, et si elle a souhaité que tu restes ici, c'est justement pour que tu aies un avenir.
Quand elle a fugué, j’étais d’accord sur le « au revoir » pas sur le « adieu ».
- Ne parlez pas en son nom, vous ne la connaissiez pas.
- Je te le demande simplement... A ton avis... C'est ce qu'elle aurait voulu ?
J’aimerai lui répondre oui, juste pour qu’elle n’ait plus rien à rétorquer, qu’elle arrête avec ses phrases toutes faites sorties d’un film ou d’un bouquin psycho au rabais.
- Je crois que personne ne souhaite la mort de quelqu’un qu’il aime. Mais ne trouvez-vous pas, au risque d’être un peu cliché, que Shakespeare a su donner la plus belle description de l’amour dans son œuvre Roméo et Juliette ?
- Vouloir être réunis même dans la mort ?
- Exact.
Elle pose son calepin sur la petite table à côté d’elle et me regarde.
- Tu penses au suicide ?
- Vous n’y songeriez pas vous ?
- Si. Mais de là à le faire... Tu...
Je la coupe.
- Je ne vous répondrai pas...
Elle se mord la lèvre, visiblement inquiète. Je lui souris.
- Ne vous en faites pas, peu importe ce qui arrivera, ça aura été mon choix.
Je regarde ma montre et me lève.
- Il faut que j’y aille, je reprends les cours demain et j’ai pas mal de boulot à rattraper. Merci pour les séances, elles m’ont fait du bien.
- Tu ne penses plus revenir me parler ?
- En effet.
Je lui souris une dernière fois, ramasse le Kirago que je lui lance avant de sortir.
Angele
- Et c’est là que ce petit plaisantin de Charly m’a dit « c’est trop gros, ça rentrera jamais » ! Alors qu’il savait très bien que c’était assez large pour un beaucoup plus gros !
Franklin me raconte comment il a passé la soirée de la veille à changer la place des meubles dans sa chambre. J’en ai plus ou moins rien à foutre, mais ça ne semble pas le préoccuper. Je m’inquiète pour Jared. Il va mal, mais il essaie de ne rien laisser paraître pour pas enfoncer Stian encore plus. C’est ce qu’on fait tous. J’arrête pas de penser à Mason, je me demande si j’aurais pu changer quelque chose… Si je n’étais pas partie ce week-end là… Tout aurait pu être différent…
- Angele ?! Tu m’écoutes ?!
Je lui fais un grand sourire.
- Evidemment.
Il me lance un regard suspicieux. Peu importe. Je me perds à nouveau dans mes souvenirs, repensant à ce que Jared avait dit à Lilly après l’enterrement… « Comme au bon vieux temps »… Ca voudrait dire qu’ils se connaissaient ? Je longe le couloir, par automatisme, tourne et commence à descendre les escaliers. J’ai des livres que je dois amener à mon casier plein les bras. Ca me saoule terriblement, ils sont super lourds et je ne crois pas avoir ouvert ne serait-ce qu’un tiers d’eux depuis le début de l’année. Et Colin qui continue à monologuer, pensant probablement que je suis trop passionnée par les conneries qu’il débine pour répondre autre chose que « Hmm », « Oui », ou je ne sais quelle expression monosyllabique. Et merde, un de mes bouquins glisse et m’échappe des mains, pour aller s’échouer quelques marches plus bas.
- Et donc, il a donné un grand coup de r… AAAAAAAAAAHHHHHHHHHHH
Merde ! Franklin s’est pris « Roméo et Juliette » dans les pieds et a trébuché et…
- C… Colin ? Ca va ?
…. Bon, sois positive ma fille, le mur a arrêté sa chute… et il est mieux en rouge et…. Oh mon dieu ! J’ai tué Franklin !!!
- Aaaaaïeuuuuuh…
Non ! Il est vivant !!! Je cours vers lui et essaie de l’aider à se relever en évitant de toucher le sang qui s’écoule de son nez et de son front, mais il laisse échapper un râle de douleur qui me coupe nette dans mes efforts.
- Je… Je vais… appeler l’infirmière ! Tu bouges pas !
Bieeeeeeeen Angie, très malin de dire ça à un type qui baigne presque dans son sang au point qu’on le prenne pour Dexter Morgan et dont la jambe a une bosse qui ferait pâlir d’envie le serpent dans le Petit Prince.
Sébastian
14 février, il fait bon, on est allongés dans l’herbe, tête contre tête, blottits dans nos vestes pour ne pas avoir à rentrer. On regarde le ciel et ses rares nuages auxquels on invente des formes.
- J’aime pas la Saint-Valentin
Je souris.
- Trop commercial selon toi ?
- Non enfin, c’est pas pour ça.
- Alors, pourquoi ?
Elle s’approche de moi à quatre pattes et se blottit contre moi.
- Parce que c’est une fête triste pour ceux qui n’ont personne avec qui la partager.
- Stian ?
Sans ouvrir les yeux, j’écrase mon joint contre ma paume.
- Qu’est-ce qu’il y a Pete ?
- Je euh…j’ai rendez-vous avec Elizabeth alors j’y vais...T’es sur que ça va al…
- Bonne soirée.
Je me lève brusquement et ouvre ma table de nuit. Je prends de la weed et m’en roule un en vitesse. Peter reste sur place, hésitant, puis tournant les talons, sort. J’allume la chaîne hi fi, quoi de mieux qu’un petit « avalanche » de Ryan Adams pour rester dans l’ambiance ?
Peter
On revient de l’enterrement, et on va directement à sa chambre.
- Alors, de quoi parlait Jared tout à l’heure ?
Elle me prend par la main et me fait m’asseoir à côté d’elle sur son lit, plonge son regard dans le mien. J’y lis une tristesse incroyable.
- Qu’est-ce qui t’arrive ma puce ?
- Je… Je veux pas te perdre mais… Si je… Tu vas forcément être dégoûté comme je le suis quand…
Elle ne termine pas sa phrase, la voix brisée. Je prends doucement son visage entre mes mains mais elle rompt le contact, s’éloignant brusquement.
- Bébé…
- Promets. Promets-moi que tu ne me détesteras pas…
- Qu’est-ce que tu peux bien avoir de si hor…
- Jure-le.
- Je… D’accord.
Elle se lève et va s’asseoir sur son bureau, face à moi.
- Je…Comment commencer…
- Tu…
Lilly me coupe :
- Et ne dis rien avant que… Avant que j’aie fini.
Je m’apprête à répondre par l’affirmative mais elle commence, d’une voix lointaine :
- D’abord je dois te parler de ma famille. Ma mère est morte alors que j’avais à peine 1 an. Je ne me souviens plus d’elle, mais mon frère m’a répété toute ma vie qu’elle m’aimait et que c’était une femme admirable. Quand elle est morte, il n’est resté plus que mon père, mon frère et moi. Mon père est pasteur et terriblement strict. J’ai été envoyée dans une école privée pour filles et c’est dans cette chaleureuse ambiance que j’ai grandi, entre papa qui ne me laissait aucune liberté, et mon frère qui semblait suivre la même voie que lui. J’allais en cours, faisais mes devoirs, le ménage, le souper et passais le restant de la soirée à jouer du piano. C’était… ma seule joie. Quand mes doigts effleuraient les touches et que la musique s’élevait doucement dans les airs, je me sentais libre. Mon père détestait ça, mais il avait consenti à cette "frivolité" car mon frère l’y avait poussé. Les années ont passé, j’ai grandi. Je suis devenue jolie, il est devenu le pire des enfoirés. Je n’avais même plus le droit d’inviter des amies à la maison. Il ne m’embrassait même plus pour me souhaiter bonne nuit. Il ne me serrait plus dans ses bras. Les seuls mots qu’il m’adressait étaient des reproches. A force ses mots glissaient sur moi, ne m’atteignaient plus. Il a dû le voir car… Il a… Vendu mon piano. Ca doit paraître idiot mais le jour où je suis rentrée et que j’ai vu qu’il avait disparu du salon, c’est ce jour là que j’ai réellement cessé d’aimer mon géniteur. Ce n’était pas un problème d’argent, de ce côté on n’a jamais eu le moindre souci… Non, c’était juste qu’il ne voulait pas mon bonheur. Un jour à l’école, ma "meilleure amie", si tant est qu’on puisse lier un quelconque lien d’amitié avec quelqu’un qu’on ne voit que dans un contexte scolaire et avec qui on ne peut donc pas réellement discuter, un jour donc elle m’a parlé d’un bar où elle était allée la veille et où on pouvait jouer du piano… Le soir même, je m’enfuyais de la maison en cachette. J’y avais déjà souvent pensé, mais la peur que papa m’inspirait était plus forte que tout. Enfin, presque tout. Quelle futilité… J’ai trouvé sans problème, et quand j’ai à nouveau senti les notes qui sortaient littéralement de mon cœur, j’ai décidé que je ne pouvais plus continuer comme ça. Je devais partir. Je devais fuir sinon c’était mon âme qu’il allait tuer, après ma joie de vivre. Mais il me fallait de l’argent. Il me le fallait rapidement. J’ai donc cherché un emploi qui paie bien, et que je puisse faire de nuit. Oh non, ne me regarde pas comme ça… Je… Je me prostituais pas, si c’est ce que tu penses… Mais tu imagines bien que le moyen le plus simple de se faire de la thune ne pouvait pas être sans compromis… En gros, ça pouvait se faire que sans fringues. Je suis devenue danseuse. Sur "scène", je n’étais plus vraiment moi. Je n’aurais pas supporté sinon. Je buvais avant d’y aller. Mais pour encaisser, oh ça oui j’encaissais. Je rangeais les billets dans une boite, que je planquais dans mon casier. Je ne dormais plus beaucoup et mon frère s’inquiétait, mais je lui disais que j’avais simplement quelques "difficultés d’endormissement"… Un jour, un des clients m’a invité à aller boire un café. Il était venu chaque soirs, les 3 week-ends qui avaient précédé, et il était vraiment très mignon alors… J’ai accepté. On a parlé, j’ai appris à le connaître. Ses parents l’avaient envoyé dans une école militaire et il ne rentrait pas chez lui en fins de semaines.
Hein ?! Attends, je...
- Oui, tu le connais. C’est Jared. On a beaucoup parlé, tellement que c’est tout juste si j’ai réussi à me faufiler dans ma chambre à temps pour que mon père ne soit pas au courant que j’étais sortie. On s’était dit qu’on remettrait ça à sa prochaine permission. Et on l’a fait. Je sais pas trop combien de fois on s’est vu, peut-être pendant un mois, mais… Enfin, avec un type comme lui, ça peut pas rester très longtemps du domaine du "sage"… Ca m’a vraiment aidé à décompresser, on a continué à se voir même si on s’était mis d’accord sur le fait que c’était simplement pour s’amuser. Un soir il m’a proposé de venir à une fête organisée par ses camarades de l’école. Jamais j’aurais dû y aller mais… Si seulement je pouvais effacer le moment où j’ai accepté… Mais on ne change pas le passé, sauf si on s’appelle Miniver… Et encore. J’ai beaucoup bu ce soir là. Les verres défilaient, j’étais poussée par ses "amis". J’ai plus que quelques rares souvenirs qui ont survécu dans ma mémoire. Et Dieu sait que j’ai essayé de les oublier. Un moment, quatre, peut-être cinq types m’ont emmené dans une chambre. Je me souviens avoir croisé le regard de Jared alors que l’un d’eux me portait hors de la pièce où il se trouvait… Je revois son sourire. Puis c’est le trou noir. Rien. Je me suis réveillée avec un mal de crâne terrible… Et…
Non pas ça mon amour… Pas ça… Sa voix est brisée, des larmes coulent sur ses joues. Je me lève et essaie de la prendre dans mes bras mais elle me repousse.
- Et sans mes fringues. Ces connards… Ces connards m’ont…
Oh seigneur…
- Ils ont osé me… J’ai rassemblé mes vêtements et… Je me suis rhabillée et je suis rentrée chez moi. Mon père n’était pas encore levé. Je me suis enfermée dans la salle de bain et quand j’ai croisé mon regard défait dans le miroir… Je me suis effondrée et j’ai vomi. Je me sentais… Si sale… Brisée… J’avais si mal… Je me suis mise sous la douche et l’eau tombait sur moi, mais rien… Je… J’ai pratiquement vidé la bouteille de gel pour le corps et celle de shampoing… Je me sentais si… souillée… Je me dégoûtais… Tu comprends… J’étais… J’ai passé si longtemps sous cette eau qui me brûlait, je frottais ma peau avec mes ongles jusqu’au sang… et j’ai compris que c’était peine perdue. Que quelque chose… S’était cassé la veille. Jamais je ne pourrais à nouveau être propre, jamais cette envie de vomir ne me quitterait… Et la haine qui est montée en moi à cet instant… était le sentiment le plus fort que j’aie jamais ressenti… J’ai contacté le type qui dirigeait l’école militaire de ces petits fils de putes… Je lui ai tout raconté… Je suppose qu’ils s’en sont pris plein la gueule. Je ne pouvais rien faire de plus sans que mon père soit au courant et… non, il m’aurait tuée… et c’était peut-être ma faute… Si je n’avais pas bu… Si j’avais fait plus attention… J’ai arrêté d’aller danser. J’aurais dû le faire plus tôt. Ca ne serait pas arrivé… Je serais restée pure… Un samedi à midi, alors que j’étais en train de préparer le dîner, mon père est entré en trombe dans la cuisine et m’a frappée. Je me suis effondrée au sol et il a commencé à parler… Un jeune homme prétendait me connaître et m’avoir vue danser nue… Il n’en avait pas cru ses oreilles, jusqu’au moment où ce jeune homme lui avait dit d’aller vérifier dans mon casier… Il avait trouvé l’argent. C’est alors qu’il a sorti ma boîte de son sac et qu’il l’a ouverte. Il m’a jeté les billets dessus et m’a craché au visage… Il a ajouté "Petite pute…" puis il est sorti. J’ai laissé le repas brûler, incapable de me relever jusqu’à ce que mon frère ne me trouve en larmes sur le carrelage et me porte à la salle de bain. J’avais la lèvre fendue, il l’a désinfectée… Mon paternel est entré et sans même me regarder m’a dit que je ne pouvais plus vivre dans cette maison, qu’il ne voulait pas de traînée sous son toit… Et… Voilà comment je me suis retrouvée ici.
Je n’arrive pas à ouvrir la bouche. Aucun son ne peut en sortir…
- Toi aussi je te répugne c’est ça ?
Elle se lève à son tour et s’essuie le visage. Je l’attire délicatement à moi et la prends doucement dans mes bras.
- Non… Jtaime… Et je… Je vais tuer Jared. Il les a laissés faire…
- Il y était pour rien. C'est juste que... Quand jlai revu... Ca allait mieux mais quand j'ai vu son visage tout m'est revenu en mémoire, j'avais tout refoulé et c'est juste... Un putain de boomerang.
Jared
Pfff, enfin rentré. J’envoie mon sac par terre et m’apprête à m’élancer sur le lit lorsque j’entends quelqu’un entrer. Je me retourne et évite in extremis le poing de Pete. J’attrape son poignet, l’immobilise en bloquant son bras derrière son dos et le plaque contre la porte.
- Bon, la dernière fois tu avais à la limite peut-être une raison, mais la PUTAIN QU'EST-CE QUE JE T'AI ENCORE FAIT ?!
- Aïe aïe aïe !
Je serre plus fort.
- Alors ?!J’attends. Qu'a donc le pauvre petit Panpan cette fois?
- LACHE MOI !
- PUTAIN REPONDS OU JE TE LE BRISE !
Encore plus. Il grimace de douleur et articule avec peine.
- LILLY !
- Quoi Lilly ?!
- Elle m'a raconté ce que tu lui as fait !
Rooh manquait plus que ça.
- Je ne lui ai jamais fait de mal alors je vois pas pourquoi tu viens râler.
- Tu l'as dénoncée à son père, tu l'as laissée se faire violer ! COMMENT TU AS PU PUTAIN ?!ENFLURE !
Bon vu comme ça…D’un coup sec je tire encore un peu plus sur son bras. Son visage se crispe, il ferme les yeux, sûrement à cause de la douleur.
- Alors écoute bien. Premièrement, la prochaine fois au lieu de te précipiter tête baissée, réfléchis. T’as aucune chance contre moi c’est totalement stupide ce que tu fais ce n’est pas en crevant que tu vas lui montrer que tu l’aimes et désolé mais manchot tu lui serviras plus à rien. Deuxièmement, assure-toi que la cause pour laquelle tu veux te « battre », si on considère qu’on peut appeler tes gesticulations bizarres se battre, est véridique. Il faut que tu comprennes que les gens ne disent pas toujours toute la vérité rien que la vérité et que parfois, une seconde version est nécessaire pour pouvoir porter un jugement. Maintenant tu vas écouter ce que je vais te raconter, tu vas le croire ou non, j’en ai rien à foutre, mais si tu reviens encore une fois pour essayer de me frapper je te jure que ça va mal finir et pas pour moi.
Je soupire. Pourquoi suis-je toujours obligé d’en arriver à ce genre d’extrémités ? Il ne pouvait pas simplement me demander ce qui c’était passé et s’en accommoder ?
- Oui Elizabeth s’est faite violer, oui c’était ma faute. J’aurais jamais dû l’inviter à cte soirée, j’aurais jamais dû lui présenter mes collègues et je n’aurais même jamais dû les suivre le premier soir dans ce bordel merdique. Mais que veux-tu ? C’est comme ça, si je pouvais y changer quelque chose, je le ferais. Mais il y a un truc que tu dois enregistrer Peter, je ne l’ai jamais touchée contre son gré et même si j’ai été nul, si j’ai été lâche, si j’étais trop défoncé pour réagir au moment ou il l’aurait fallu, je l’aimais… J’ai pété un plomb quand j’ai appris qu’elle croyait que moi aussi, je l’avais violée, que moi aussi, j’aurai pu lui faire ça. Elle m’a dénoncé au même rang que les autres et lorsque ceux-ci m’ont demandé si je savais quelque chose pouvant les aider à la couler, je leur ai dit pour l’argent et pour son père branché religion. Si elle avait porté plainte je me serais retrouvé en tôle au même prix que ces connards et pourquoi? Pour avoir trop bu lors d’une permission.
Je le lâche et recule de quelques pas, il regarde la porte sans bouger.
- Barre-toi maintenant s’il te plaît.
Il reste fixe, rooh non il va pas se remettre à m’attaquer, c’est que ça deviendrait vraiment lourd à force…
- Tu l'aimes encore ?
Si il était simple de répondre à ce genre de question…
- Parfois il m’arrive encore de le penser. Mais je suis avec Angele et malgré tout ce que peut bien croire un petit con comme toi, je tiens énormément à elle
- …Ne t’approche plus de Lilly. Elle n'éprouve plus rien pour toi, si ce n'est du dégoût.
Il sort sans même se retourner.
Sébastian
On parle on parle on parle. J’ai le droit à deux semaines de « répit » et je les passe en compagnie de la psy. Je préfère ça que de rester enfermé seul dans ma chambre, je suis à l’aise avec elle et ça me fait du bien de ne pas voir le même regard de pitié et de compassion que chez les autres. Jared garde tout, il ne laisse rien paraître, du moins pas devant moi. Il m’empêche de pleurer sur mon sort, me force à bouger, à me lever le matin. Pete reste très distant mais je ne le lui reproche pas, pour lui et Angie la mort d’Envey semble faire ressurgir de vieux démons. Moi, j’ai l’impression d’être anesthésié. Je n’arrive plus à pleurer, j’ai l’impression de ne plus avoir de larmes à faire couler ou en tout cas, plus la force pour. Assis dans le fauteuil que je pourrais presque considérer comme mien tellement je le squatte souvent, je joue avec un ressort multicolore, le tendant puis le détendant inlassablement.
- Tu pourrais éviter d’emmêler ce truc s’il te plaît ? Je l’aime bien.
- Ce truc s’appelle un Kirago.
- Ah bon ?
- Non, on appelle ça un ressort arc-en-ciel mais c’est d’un niais écœurant, ça n’a pas de vrai nom alors j’ai décidé de lui en donner un. Toute chose mérite d’avoir une appellation précise vous ne pensez pas ?
Je lui fais faire des allers-retours entre mes mains comme le ferai un croupier avec ses cartes pour les mélanger.
- Je crois que tu as raison mais dis-moi, ça fait pas deux semaines que ta sœur est morte et tu semble déjà t’en être totalement remis.
Aoutch. Coup bas.
- Je suis totalement insomniaque, à l’heure où je vous parle mes globules doivent se déplacer non plus dans du sang mais dans du whisky et à ce rythme, le fait que mon foie fonctionne encore parfaitement tient du miracle, et vos médocs je les prends comme des tic-tacs. Alors oui je vais bien, très bien ! pff…Vous voulez quoi de plus ?! Que je me mette à pleurer dans vos bras en faisant semblant de ne pas en profiter pour toucher votre énorme poitrine?! Que je vous dise que Kurt Cobain, Cléopâtre ou encore Elliot Smith ont simplement été plus réalistes que les autres en s’avouant que la mort est la seule échappatoire à la plupart des problèmes? Que lutter après tout, ça vaut pas la peine ?
Le Kirago heurte le sol et roule jusque sous le bureau. Je me penche en avant, appuyant mes coudes sur mes jambes pour mettre mon visage entre mes mains. Reste calme, reprends-toi.
- Non. Ca vaut la peine de se battre. Simplement si tu te détruis au lieu de laisser tout ça sortir, ta vie ne vaudra plus grand-chose.
- …elle ne vaut déjà plus rien, elle n’a plus de sens, plus d’intérêt…
- Pour le moment, elle en retrouvera tôt ou tard.
Je m’essuie le visage et me redresse pour la regarder.
- Je ne veux pas qu’elle en retrouve, pas sans elle.
- Et tes amis ?
- Je tiens à eux mais ne vais pas faire semblant d’aller bien pour qu’ils puissent simplement continuer à vivre dans leur petit monde coloré sans se poser de questions
- Tu peux... Croire en l'avenir. Ne fais pas semblant d'aller bien, tu leur manquerais de respect mais... Commence par survivre, et après...
…Réalise que ça ne sert à rien, que ça n’en vaut pas la peine.
- Je n'en ai pas envie. Je ne veux pas aller mieux, faire comme si elle n'avait jamais existé.
- Tu penses à elle ? Tu crois qu'elle voudrait que tu gâches ta vie pour elle ? Elle t'aimait, et si elle a souhaité que tu restes ici, c'est justement pour que tu aies un avenir.
Quand elle a fugué, j’étais d’accord sur le « au revoir » pas sur le « adieu ».
- Ne parlez pas en son nom, vous ne la connaissiez pas.
- Je te le demande simplement... A ton avis... C'est ce qu'elle aurait voulu ?
J’aimerai lui répondre oui, juste pour qu’elle n’ait plus rien à rétorquer, qu’elle arrête avec ses phrases toutes faites sorties d’un film ou d’un bouquin psycho au rabais.
- Je crois que personne ne souhaite la mort de quelqu’un qu’il aime. Mais ne trouvez-vous pas, au risque d’être un peu cliché, que Shakespeare a su donner la plus belle description de l’amour dans son œuvre Roméo et Juliette ?
- Vouloir être réunis même dans la mort ?
- Exact.
Elle pose son calepin sur la petite table à côté d’elle et me regarde.
- Tu penses au suicide ?
- Vous n’y songeriez pas vous ?
- Si. Mais de là à le faire... Tu...
Je la coupe.
- Je ne vous répondrai pas...
Elle se mord la lèvre, visiblement inquiète. Je lui souris.
- Ne vous en faites pas, peu importe ce qui arrivera, ça aura été mon choix.
Je regarde ma montre et me lève.
- Il faut que j’y aille, je reprends les cours demain et j’ai pas mal de boulot à rattraper. Merci pour les séances, elles m’ont fait du bien.
- Tu ne penses plus revenir me parler ?
- En effet.
Je lui souris une dernière fois, ramasse le Kirago que je lui lance avant de sortir.
Angele
- Et c’est là que ce petit plaisantin de Charly m’a dit « c’est trop gros, ça rentrera jamais » ! Alors qu’il savait très bien que c’était assez large pour un beaucoup plus gros !
Franklin me raconte comment il a passé la soirée de la veille à changer la place des meubles dans sa chambre. J’en ai plus ou moins rien à foutre, mais ça ne semble pas le préoccuper. Je m’inquiète pour Jared. Il va mal, mais il essaie de ne rien laisser paraître pour pas enfoncer Stian encore plus. C’est ce qu’on fait tous. J’arrête pas de penser à Mason, je me demande si j’aurais pu changer quelque chose… Si je n’étais pas partie ce week-end là… Tout aurait pu être différent…
- Angele ?! Tu m’écoutes ?!
Je lui fais un grand sourire.
- Evidemment.
Il me lance un regard suspicieux. Peu importe. Je me perds à nouveau dans mes souvenirs, repensant à ce que Jared avait dit à Lilly après l’enterrement… « Comme au bon vieux temps »… Ca voudrait dire qu’ils se connaissaient ? Je longe le couloir, par automatisme, tourne et commence à descendre les escaliers. J’ai des livres que je dois amener à mon casier plein les bras. Ca me saoule terriblement, ils sont super lourds et je ne crois pas avoir ouvert ne serait-ce qu’un tiers d’eux depuis le début de l’année. Et Colin qui continue à monologuer, pensant probablement que je suis trop passionnée par les conneries qu’il débine pour répondre autre chose que « Hmm », « Oui », ou je ne sais quelle expression monosyllabique. Et merde, un de mes bouquins glisse et m’échappe des mains, pour aller s’échouer quelques marches plus bas.
- Et donc, il a donné un grand coup de r… AAAAAAAAAAHHHHHHHHHHH
Merde ! Franklin s’est pris « Roméo et Juliette » dans les pieds et a trébuché et…
- C… Colin ? Ca va ?
…. Bon, sois positive ma fille, le mur a arrêté sa chute… et il est mieux en rouge et…. Oh mon dieu ! J’ai tué Franklin !!!
- Aaaaaïeuuuuuh…
Non ! Il est vivant !!! Je cours vers lui et essaie de l’aider à se relever en évitant de toucher le sang qui s’écoule de son nez et de son front, mais il laisse échapper un râle de douleur qui me coupe nette dans mes efforts.
- Je… Je vais… appeler l’infirmière ! Tu bouges pas !
Bieeeeeeeen Angie, très malin de dire ça à un type qui baigne presque dans son sang au point qu’on le prenne pour Dexter Morgan et dont la jambe a une bosse qui ferait pâlir d’envie le serpent dans le Petit Prince.
Sébastian
14 février, il fait bon, on est allongés dans l’herbe, tête contre tête, blottits dans nos vestes pour ne pas avoir à rentrer. On regarde le ciel et ses rares nuages auxquels on invente des formes.
- J’aime pas la Saint-Valentin
Je souris.
- Trop commercial selon toi ?
- Non enfin, c’est pas pour ça.
- Alors, pourquoi ?
Elle s’approche de moi à quatre pattes et se blottit contre moi.
- Parce que c’est une fête triste pour ceux qui n’ont personne avec qui la partager.
- Stian ?
Sans ouvrir les yeux, j’écrase mon joint contre ma paume.
- Qu’est-ce qu’il y a Pete ?
- Je euh…j’ai rendez-vous avec Elizabeth alors j’y vais...T’es sur que ça va al…
- Bonne soirée.
Je me lève brusquement et ouvre ma table de nuit. Je prends de la weed et m’en roule un en vitesse. Peter reste sur place, hésitant, puis tournant les talons, sort. J’allume la chaîne hi fi, quoi de mieux qu’un petit « avalanche » de Ryan Adams pour rester dans l’ambiance ?
I can't remember you, remember us or anything
Je tire plusieurs longues lattes le regard perdu au dehors. La nuit est tombée mais depuis quand ? Je n’ai plus aucune notion du temps qui passe…Je me dirige vers l’armoire et y prends une bouteille de whisky. Je sors de ma poche les médocs et m’allonge sur le lit avec le tout. De quoi arriver à dormir au moins quelques heures.
Angele
Raaaaaah. Quelle connerie. Je déteste ce jour stupide, tous les gens se sentent obligés d’exposer leur amour à la face du monde. Et puis si quelqu’un a le malheur de ne pas aimer cette fête et de l’assumer, de le dire clairement, qu’est-ce qu’il se passe ? Il devient l’aigri de service, celui qu’on doit pas inviter aux fêtes parce qu’il va pourrir l’ambiance avec son cynisme à deux balles… Je me lève et trouve, glissée sous ma porte, une enveloppe. Oh non, si c’est une déclaration de cet abruti de George, je pète un câble. Il a demandé à une quarantaine de filles d’être sa valentine, par mail. Et quand les filles ont vu leurs adresses les unes à la suite des autres, dans la partie « destinataires », elles ne l’ont pas très bien pris. Je ramasse la lettre et commence à la lire. Kyaaaaaaa ! C’est un mot de Jared ! Il veut que je le rejoigne à 20h dans la salle de musique pour « une surprise » ! Bon, je lui en ai pas préparée, mais il m’en voudra pas. Ou ptet que si… Oh mon dieu, il va rompre. Mais il aurait pu me prévenir ! Argh. Je hais la saint valentin.
Jared
- Garde les yeux fermés…
Elle ne me fait pas confiance mais puisque c’est pour une surprise, elle m’obéit. Je l’attrape par les épaules et la fais entrer dans la pièce.
- Je peux les ouvrir maintenant?
- Attends…
Je la fais avancer encore de quelques pas.
- Voilà, maintenant tu peux.
- La salle de musique ?
- Oui…
Je lui prends la main et on s’assied au piano. Ses yeux s’agrandissent lorsqu’elle voit la partition.
- Tu te souviens de cette musique ?
- Notre…oui.
Faisant bouger mes doigts sur les touches j’en joue les premières notes.
- Tu te souviens lorsqu’on la jouait ensemble dans ce bar miteux?
Elle sourit et acquiesce sans lâcher du regard le clavier. A son tour elle commence à jouer, je la rejoins et la musique emplit la pièce. J’ai l’impression de retrouver l’ambiance du bistrot, d’y retourner, d’entendre les rires, de sentir l’odeur d’alcool et de tabac, y étant si bien... Mais tout disparaît dès que le morceau prend fin. Le silence s’installe, on semble les deux ne pas vouloir retrouver le présent. D’une main qu’elle passe sous mon menton elle me fait tourner la tête. On s’observe un instant puis elle m’embrasse. Je me laisse faire, trop étonné pour réagir. Elle s'éloigne, me regarde et dit.
- C'était... Avant. Maintenant je peux pas... J'aime Pete et... Mais... Toi... Désolée
Elle se lève et part en courant. Je me remet face au piano et commence une mélodie de Elliot Goldenthal d’« entretien avec un vampire». Mes mains dansent, désabusées, sur l’ivoire blanc.
Angele
J’entre dans la salle de musique, qui est baignée dans la douce lumière d’un nombre incroyable de bougies, et trouve Jared en train de presser distraitement les touches d’un piano. Dès qu’il me voit, il commence à jouer Mr Curiosity en me souriant.
- Joyeuse Saint Valentin mon ange
- A toi aussi…
Je m’approche de lui lentement alors que la mélodie continue d’envoûter la pièce, lui conférant une atmosphère encore plus magique. Je m’assieds à ses côtés sur la banquette, contemplant son visage aux angles parfaits, et le morceau prend fin tandis qu’il se penche vers moi et capture mes lèvres des siennes. Wow…
- Je sais que c’est pas grand chose, mais je voulais qu’on fasse un truc un peu spécial… Même si c’est commercial… Et comme je sais que tu adores le chocolat.
Il me tend une boîte entourée d’un ruban rouge, sous lequel est coincée une fleur. Ce type est définitivement l’incarnation de la perfection. A côté de lui, Jack Bauer est un raté.
- Merci… M’en veux pas mais j’ai rien à t’offrir…
- Je t’ai déjà fait remarquer à quel point tu étais belle ?
Apparemment il ne m’en veut pas.
- C’est les bougies. Tu distingues moins mes traits, stout.
Il rigole, caresse ma joue. Sa bouche remonte lentement le long de mon cou, tandis que des frissons me parcourent. Je sens sa main glisser sur ma cuisse puis… plus haut. Je l’arrête, mais ses baisers continuent.
- Att… Attends ! Ici ?!
Je le sens sourire, et il me murmure à l’oreille :
- Pourquoi le piano est si grand à ton avis ?
J’éclate de rire.
- Tu dis n’importe quoi.
- Qui sait ?
Il me fait un clin d’œil. Je me lève et me dirige vers la sortie. Jared essaie de me retenir…
- Hey ?! Pourquoi tu pars mon ange ?
… mais je me contente de fermer la porte et de pousser le verrou. A croire que cette pièce a été prévue spécialement pour ça.
Jared
Je retourne la bouteille et grimace en voyant que plus rien n’en sort.
- Vide !
- Nooooooooooooooon? Déjà ?! C’est la troisième qui nous lâche!
- Mouais fait chier…On va faire un tour ?
Je bazarde le 51 par-dessus mon épaule et me lève du pieu mais me rassieds immédiatement pris de l’envie de vomir. Sébastian éclate de rire et, trop ivre pour marcher droit, contourne le lit et prend de quoi fumer dans sa table de nuit le tout à quatre pattes.
- Ah saloperie !
Je me retourne et éclate de rire en voyant qu’il s’est ouvert la paume avec les bouts de verres.
- Ben bravo! Aller bouge on y va.
Il secoue sa main et s’appuyant contre le mur se met debout. J’attrape mes lunettes roses et on sort. On rigole puis on commence carrément à chanter, zigzaguant dans les couloirs parmi les gens.
Heureux ! Plouf !
Heureux ! Plouf !
Heureux comme un 51 dans l’eau !
Heureux ! Plouf !
Heureux comme un 51 dans l’eau !
- Hey les gars attendez-moi !
On se retourne d’un même mouvement un peu tanguant pour voir Franklin arriver le pied dans le plâtre jusqu’à nous. Qu’est-ce qu’il a bien pu encore faire…
- Ciel Colin que s’est-il passé ?!
Sébastian repart et se dirige quelques mètres plus loin à son casier qu’il ouvre d’un coup de poing. Trop vieille pour résister la porte cède dans un grincement métallique désagréable et il en sort une bouteille qu’il agite en ma direction souriant. Jackpot.
- Je suis tombé, Angele a sûrement dû t’en parler…
Non.
- Ah oui oui je m’en souviens. Bon Franklin à la prochaine.
Je m’apprête à courir vers Stian mais il m’appelle. Chier. Je fais une petite pirouette.
- Quoi ?
- Tu pourrais m’aider à porter mes bouquins jusque dans ma chambre? J’y arriverai jamais tout seul…
Merde il me drague ou quoi ?...ai-je vraiment le choix ?
- …Ok, file-moi les clés de ton casier et dis-moi de quoi tu as besoin.
Il me sourit alors que Sébastian me lance un regard noir. Heureusement que sa piaule n’est pas trop trop loin et qu’il ne demande pas à boire. Lorsqu’on arrive devant sa porte, on est totalement ivres…
- Merci les gars, vous voulez rester boire un truc dans ma chambre ?
…Mais apparemment pas assez pour ça.
- Non non, on va tracer
- Ooh…
Il baisse la tête, déçu…Hoho, et si... ?
- Par contre si tu pouvais nous prêter tes béquilles une petite heure…
Je lui fais un grand sourire auquel il ne sait résister. Il me les tend et on s’en va.
- Tu comptes en faire quoi ?
- J’ai ma petite idée sur la question, suis-moi.
- Je te parie 20 livres que tu n’arriveras jamais à le faire.
- Je tiens ton pari.
J’ôte mon t-shirt et tire une taffe avant d’écraser mon joint sur les catelles. Je prends les béquilles et m’appuyant comme je l’aurais fait sur des barres parallèles à la gym me retrouve à l’envers.
- Oh putain…Seulement cte volée de marches hein ?
- Ouaip…
Il descend en sautillant jusqu’au premier palier et se posant contre le mur s’en allume aussi un. Son petit air soudainement désinvolte me fait rire. Il jette son briquet par terre.
- …jusqu’ici.
Owww…Les escaliers semblent se tordre…aller juste cinq…Mes bras tremblent à cause de l’effort physique que ça me demande. Putain. J’avance comme je peux, remerciant intérieurement mes parents de m’avoir forcé à faire ces cours débiles de cirque. Une marche, c’est tellement limite, j’ai l’impression que je vais m’évanouir. Deux. Trois. Merde je foire la quatrième et sans trop comprendre ce qui s’est passé je me retrouve au sol à fixer le plafond qui semble vaguement changer de couleur.
- Mais qu’est-ce qui vous a pris! Vous êtes totalement cons !
Le visage de la psy apparaît dans mon champ de vision, elle me prend par les épaules et me secouant légèrement s’inquiète.
- Jared! Jared ça va ?!
Je ferme les yeux quelques secondes puis les rouvre. Besoin de vomir mais ce n’est pas dû à la chute. Je me tourne sur le côté et c’est ce que je fais, évitant de quelques centimètres la psy.
- YEUURK !
Elle recule légèrement. Je vois Sébastian qui se laisse glisser contre le mur trop ivre mais surtout trop mort de rire pour rester debout. Je me mets aussi à rigoler et me redresse.
- Je retire ce que j'ai dis ! Vous êtes pas cons... Vous êtes ivres ! Bon sang, Sébastian !
Elle se dirige vers lui et l’aide à se mettre debout. Celui-ci la regarde et d’un air presque de défi lui souffle la fumée de son joint à la figure. Je retombe en arrière, j’en peux plus, j’ai mal aux côtes à force de me marrer.
- Et ça.... Non seulement tu bois, mais en plus tu fumes de l'herbe ?! Je pourrai pas toujours te sauver la peau, va falloir que tu arrêtes de déconner sinon je devrai avertir ma sœur et tu te feras virer... Je vais te ramener dans ta chambre que tu dessaoules et toi, lèves-toi et va à l’infirmerie !
Hey pourquoi c’est lui que se tape la fille ?!
- Pas besoin, je me suis pas fait mal…
- Tu sens pas la douleur parce que tu es trop bourré pour ça !
Je me lève et fait un petit constat. Mes avant-bras sont râpés et saignent un peu…mes genoux aussi sûrement mais sinon tout semble rouler. Je monte les escaliers comme je peux et me retourne pour taquiner Sébastian.
- Jamais tu verras la couleur de cet argent. Bonne chance pour la supporter la grognasse.
Il éclate de rire et alors qu’il s’apprête à retomber la psy le retient tant bien que mal. Je pars vers l’infirmerie, les mains dans les poches en sifflotant.
Heureux ! Plouf !
Heureux !
Heureux !
Peter
- Et c’est ainsi qué lé governement décida do rendré les cours dé dessin inoubligatoires. Yé touyours clamai haut et fort qué céla causerait la perté dé notre nassione ! Quelle était la questionne déya ?
- Je vous demandais la permission d’ouvrir la fenêtre…
- Ah. None, yé froid.
Il a froid, mais en même temps, tout ce qu’il porte c’est un marcel. D’ailleurs, on devrait appeler ce type Chewbacca tellement il est poilu. C’en est écœurant. On a l’impression que ses bras sont noirs MAIS NON ! Surprise ! Je me verrais bien en super héros accompagné de bunny boy et de cynisme girl –l’alter ego d’Angie–, nous jetant tous les trois sur lui armés de bandes de cire… Tout à coup, le prof s’écrie :
- OH ! Yé mé souviens enfin dé cé qué yé voulais… enfin, dévais vous commouniquer ! Nous avons oune sortie domani ! Ouné visité dé mousée ! Bellissimo ! Départ à oune certaine hore qué yé oublié, en bousse, dépouis la place dé parc yousté devant ! Nous passerone la yournée à contempler dé souperbes œuvres d’art ! N’est-cé pas fantastico ?! Toi, Flankrin, qu’en penses-tou ? Flankrin ?
Le prof l’appelle encore deux, trois fois puis, excédé, lance :
- Est-cé qué quelqu’un peut le réveiller ?
Colin est effectivement profondément endormi sur son bureau, la tête entre les mains. Charly le pousse délicatement et notre petit infirme préféré glisse et va s’écraser au sol. Vraiment pas doué comme type, mais il a au moins deux mérites : il fait rire tout le monde, à ses dépens certes, mais c’est le résultat qui compte et… Mince, j’ai zappé le deuxième. Peut-être qu’en fait il en a qu’un. Ouais, c’est le cas, sauf si on peut considérer un joli cul comme un mérite. Mais j’en doute. Bref, il est réveillé, et a l’air de se demander où il est, jusqu’à ce que le prof se jette sur lui pour l’aider à se relever, lui serrant sûrement trop la main vu la tronche que « Flankrin » tire. Hum. Et merde, on n’y est pas encore mais je pressens que cette visite va lourdement peser sur mes nerfs, non pas que je n’aime pas les peintures et tous ces trucs, mais passer une journée à écouter une miss nous expliquer pourquoi tel ou tel peintre a révolutionné le genre me paraît totalement dénué d’intérêt. Lilly me donne un coup de coude. Ca faisait longtemps. Elle se penche vers moi et me demande si je sais ce qui est arrivé à Colin, en désignant les béquilles posées à côté de lui.
- Angele m’a dit qu’il s’était pété la gueule dans les escaliers après avoir trébuché sur un bouquin de Molière.
- Aïe.
- Ouaip
Quelques instants s’écoulent. Elle me demande, sur un ton sceptique.
- Angele lit du Molière ?
- Bah ouais, m’enfin, Roméo et Juliette c’est un classique quand même.
Elle me lance le même regard qu’elle lancerait à un abruti fini, et tourne la tête.
Jared
On sort de la salle de classe, tranquille ce soir pas de devoirs puisque demain on va voir leur musée de merde. Elizabeth passe devant moi et file en direction des dortoirs. Elle m’évite depuis quelques jours. Je jette mon sac dans les bras de Stian.
- Euh te gêne pas surt…
- Merci je passerai le prendre plus tard.
Je cours espérant la rattraper. Je l’aperçois et l’appelle avant qu’elle ne disparaisse dans le virage. Elle se retourne mais quand elle me voit reprend encore plus pressée.
- Hey attends! Faut qu’on parle! Tu crois que tu as le droit de mettre ta langue dans ma bouche juste parce que ça te plait et de me laisser en plan ?!
Alors que je m’apprête à tourner quelqu’un m’attire et me plaque contre le mur ; Lilly. Elle m’engueule à voix basse alors que d’autres élèves nous regardent étonnés.
- Non mais ça va pas ?!T’es malade !
Je rigole.
- Roooh c’est bon j’ai rien fait de mal.
Elle m’envoie une tape sur le torse.
- Mais tu imagines si Pete t’avait entendu ?!
Je prends un air paniqué et la taquine.
- Oh putain ouais merde, il serait de nouveau venu me frapper!
Cette fois j'arrive à la faire rire. Elle se reprend mais cette fois beaucoup plus détendue.
- Jared…je suis sérieuse…
- Oh mais moi aussi ! Ton copain a réellement un don pour la bagarre, il est d’une violence inouïe! D’une force! Il me ferait presque de l’effet tu sais ?!
- A moi il m'en fait... Je préfère les types doux, je me demande bien pourquoi.
Je plisse les yeux l’air faussement suspicieux.
- Je devrais me sentir visé ?
Elle fait une moue, hésitante. Je lui souris et la faisant tourner c’est elle qui se retrouve contre le mur.
- Tu sais très bien que j’ai toujours été doux avec toi…
Je l’embrasse.
- Non attends…
Je descends jusqu’à son cou, mes mains glissent sur ses hanches.
- Ecoute…attends…Jared, je…j’aime Pete mais je sais pas ce que je ressens pour toi… Quand je suis avec toi c'est confus... Avec lui j'ai l'impression d'être en sécurité... Mais...toi…Jsuis toujours attirée par toi...
Ses mains serrent mon t-shirt et je relève la tête. Elle détourne les yeux fuyant mon regard. Je caresse sa joue avant de capturer tout doucement ses lèvres l’espace de quelques secondes. Je mets fin à ce contact soudainement en reculant de plusieurs pas
- Je comprends ne t’en fais pas.
et pars vers les dortoirs pour récupérer mon sac.
Sébastian
Je m’allonge sur mon lit et allume un joint. Je ferme les yeux et prends de grandes respirations. Quelqu’un frappe à la porte et l’ouvre.
- Euhhh…
C’est Elizabeth, elle semble se demander si je dors.
- Peu importe lequel de tes amants tu cherches, il n’est pas là. Pete est à la bibliothèque avec Angele, ils préparent leur exposé d’histoire et Jared avait rendez-vous afin d’avoir de quoi voir venir pour un bon petit mois.
- Tu... Tu sais pour Jared ?
J’ouvre les yeux et lui souris.
- Bien sûr
- Tu sais quoi exactement ?
Je me redresse et m’assieds en tailleur.
- Que visiblement tu hésites. D’un côté tu as Pete qui t’aime énormément ; avec lui tu auras une jolie petite maison en banlieue, des gosses, une mercedes, vous irez à la messe le dimanche et ta vie de femme au foyer sera tout à fait respectable. De l’autre tu as Jared qui te désire plus qu’il ne t’aime, avec lui se sera plutôt une villa en bord de mer, une Lamborgini Diablo, des employés de maison et jamais besoin de bosser. Vous passerez votre temps à vous envoyer en l’air et à sortir. Les gens seront choqués par votre mode de vie mais ce sera plus de la jalousie qu’autre chose.
Elle se pose sur le lit en face du mien.
- J'ai 17 ans, pourquoi je me préoccuperais déjà de mon futur ?
- C'était juste une façon de grossir les traits pour une différence plus nette. Mais ce qui s'applique au futur provient forcément du passé.
- Sébastian, tu as encore regardé Star Wars ? Yoda déteint.
J’éclate de rire et me penche en avant pour lui donner le joint. Elle le prend et tire plusieurs lattes avant de me le tendre . Je refuse d’un signe de tête et me laissant tomber en arrière ouvre le tiroir de ma table de nuit pour en allumer un autre. Elle me remercie et continue
- Tu sais la différence entre eux va plus loin que... Ce qu'ils deviendront. J'aime Pete comme tu l'as dis et j'ai pas envie de le faire souffrir... Et Jared me fait un peu peur...
- Peur? Pourquoi ça?
- ... Je.... sais pas si je peux avoir encore confiance en lui... Et quand je le vois je repense à tout ce qui s'est passé.
- Il ne pourra sûrement jamais racheter ce qu’il a fait mais…tes souvenirs avec lui se bornent à ça ? Je veux dire…moi quand il m’a parlé de vous avant cette soirée…vous sembliez plutôt heureux.
Elle se redresse étonnée
- Il t'a parlé de nous ? Je pensais qu'il faisait que s'amuser avec moi...
- Jared a toujours donné l’impression de tout prendre à la légère mais faut pas croire…
- Je peux pas faire ça à Panpan... Ni à Angele...
- Evidemment et je ne t’y encourage pas mais je crois que ce serait pire si tu restais avec Peter en aimant Jared. Te prends pas la tête ; quitte à être égoïste va avec celui que t’aimes et point barre. J’ai mis bien trop de temps à dire à Envey que je l’aimais et tu vois où j’en suis aujourd’hui, elle n’est plus là et je regrette d’être resté près d’un an à ses côtés sans le lui dire. Fais ce que tu désires et fais-le dès que possible sinon tu vas rater trop de choses.
Elle se lève.
- Je…J’y vais.
J’acquiesce et la regarde fermer la porte derrière elle. Je me demande si j’ai bien fait…
Angele
- Prends les places autour des tables !
Peter me crie ça alors que j’entre dans le bus. Remarque inutile puisqu’il est juste derrière moi, suivit de Franklin que les gens laissent passer parce que c’est un éclopé. J’adore ce car. Les sièges sont normaux, jusqu’au milieu où il y a 2 tables, une de chaque côté de « l’allée » centrale. Je me mets à l’une d’elles, Peter se place face à moi. On est bientôt rejoints par Jared et Lilly, et Stian occupe l’autre table, en face de Franklin et Charly. Il s’appuie contre la fenêtre et pose ses pieds sur le deuxième siège, empêchant quelqu’un d’autre de venir le squatter. Je regarde l’extérieur alors que le reste des élèves grimpe à bord. Il fait nuit, j’adore ça. Ces moments où il suffit de lever les yeux pour être ébloui par la beauté des étoiles. Mason adorait l’astronomie. Il était infoutu de se repérer dans la ville où il était né et avait passé sa vie, mais il reconnaissait n’importe quelle constellation. Rah, c’est jamais bon de ressasser le passé. J’ai un présent maintenant. Et un avenir. Je regarde Jared qui a l’air de somnoler, avec l’envie de le serrer dans mes bras et de lui dire que je l’aime. Nan, le dérange pas. Panpan et Elizabeth sont en pleine conversation. Je sors mon Ipod de ma poche. Musique, artistes, The Dears, No cities left. Je devrais ptet l’acheter à l’occasion. Oupas. Je m’enfonce dans mon siège, appuie ma tête contre la fenêtre. Manque de sommeil.
Sébastian
J’augmente le son. Incubus, Anna Molly. Je me demande combien de temps il reste avant qu’on arrive…Je regarde les autres parler et rire, imaginant ce qu’ils peuvent bien se dire. Angele baille et enfilant aussi des écouteurs, pose sa tête contre la vitre pour dormir un peu. Soudain je vois Elizabeth qui enlève une de ses chaussures, qu’est-ce qu’elle peut bien…hoho ! Son pied glisse sur la jambe de Jared et s’arrête sur son entrejambe. Celui-ci lève les yeux vers elle, étonné. Elle lui sourit et se mord la lèvre. Je jette un rapide coup d’œil autour de moi, personne d’autre ne semble avoir remarqué leur petit manège, même pas Pete dont le regard se perd dans le paysage qui défile. C’est pas bon pas bon tout ça mais j’vais pas m’en mêler, ils sont grands alors si ils prennent le risque de faire du mal consciemment c’est leur problème. Jared pose une main sur son pied et celle-ci subitement attire Peter à elle pour l’embrasser. C’est ce qu’on appelle jouer sur deux terrains en même temps ça… Elizabeth ne lâche pas des yeux Jared alors que Panpan devient plus entreprenant, descendant dans son cou, presque sur elle. Jeu risqué mais excitant…Bon on est quand même dans un bus. Je m’éclaircis la voix et Lilly tourne la tête vers moi comme si elle venait de se rendre compte que ben oui, des gens pouvaient la voir. Elle remet discrètement sa chaussure et commence à discuter avec son copain.
Angele
Je sens une main glisser le long de ma joue, on me retire mes écouteurs.
- Mon ange ?
Je souris, mais garde les yeux fermés.
- Debout, on y est dans 2 minutes à tout péter…
Je lui réponds, gardant les paupières closes :
- Jveux pas y aller… Chuis bien là…
Des lèvres, les siennes, se posent sur les miennes. Ca c’est d’un déloyal ! On ne peut rien refuser à un type qui embrasse aussi bien. Il s’éloigne de moi.
- Debout ! T’es réveillée maintenant !
Je le regarde avec de grands yeux. Pourquoi me fait-il ça ?! Dire que j’aime ce boulet…
- Pas suffisamment…
J’approche mon visage du sien quand… Le chauffeur freine très brusquement. Je m’éclate contre le dossier de la chaise. Cette journée commence bien… On descend du bus et force est de constater qu’il fait très froid. Jared passe son bras autour de mes épaules et on commence à suivre la guide. Stian est resté à la fin avec Franklin, je sais pas trop pourquoi d’ailleurs, et Jared me prévient qu’il va le rejoindre. Je me dépêche et arrive à hauteur de Eliza et Panpan. L’accompagnatrice nous parle des différents tableaux alors que lui et moi on délire et que Elizabeth se mure dans le silence.
Peter
- Arrête, je suis prêt à parier que ce peintre était défoncé quand il a créé cette horreur !
- Il a intérêt, ça lui ferait au moins une excuse !
J’éclate de rire. Entre Angie et moi, ça y est, tout est redevenu comme avant… avant tout. Avant que son frère… Quand on était amis et qu’on passait nos journées à délirer, sans se soucier du futur. Jared l’a vraiment changée. Elle a l’air heureuse, et d’une certaine manière, elle a retrouvé un peu de son insouciance. La miss qui fait la visite nous fusille du regard et on retrouve notre sérieux. Lilly a l’air de s’intéresser aux peintures. En tout cas elle est super distante. Angie me chuchote :
- L’ennemi nous a repéré.
- J’ai cru voir ça ! Attention Roger !
- Roger ? Arrête les films de guerre américains débiles, c’est pour ton bien que je dis ça !
Hey ! Là c’est un coup bas !
- Et toi arrête les séries stupides !
Elle rétorque, à voix basse, comme si elle ne voulait pas que j’entende alors que c’est exactement ce qu’elle veut :
- Et c’est un type fan de Lost et de Prison Break qui dit ça…
- Han ! Désolé, mais Wentworth est bien plus beau que… Comment il s’appelle déjà ? Schturte, quelque chose…
Elle ouvre de grands yeux et lance d’un ton quasi-menaçant :
- Alors de un c’est Schrute, Dwight Schrute, et de deux il n’est pas fait pour être beau ! Et oui, tu sais, ça existe les séries qui ne basent pas tout sur la gueule de leurs act… Où est Elizabeth ?
Je me tourne et réalise que… ma copine a disparu. Bah, elle est sûrement allée voir Franklin.
Jared
- Et donc ici vous pouvez voir un magnifique tableau qui date de bien avant la…
Je me glisse parmi la foule d’élèves pour l’approcher de suffisamment près. Elle est avec Pete et Angele.
- Pssst...Lilly !
Elle se retourne et me voit. Je lui souris et alors que la visite nous emmène dans une autre pièce je l’attrape par la main et l’entraîne derrière une statue. Elle me plaque contre et m’embrasse. Je recule et rigole.
- Pas ici…
Je l’attrape par la taille et la porte jusqu’aux toilettes. Je la pose sur le rebord où se trouve l’évier, elle m’embrasse à nouveau. J’ai très envie de…Je regarde autour de moi. Marbre clair, très clean, grand miroir et musique d’ambiance. Je vais vers la porte et pousse l’énorme corbeille en métal devant afin que personne ne puisse entrer. Je retourne vers elle et tout en l’embrassant dans le cou, lui enlève son pantalon et son shorty. Ses mains glissent sur la boucle de ma ceinture mais je l’arrête et fais non de la tête tout en souriant.
- Non, seulement toi…
- Mais…
- Laisse-moi faire
Je me mets à genoux puis embrasse une de ses cuisses en remontant doucement puis commence à jouer avec ma langue. A ce contact elle sursaute.
- Oh mon dieu mais fais pas ça…arrête pas ici…
Elle a beau protester, elle se laisse faire. Je sens une de ses mains glisser dans mes cheveux alors que l’autre s’agrippe au porte-serviette fixé contre le mur. Elle gémit doucement puis se mord la lèvre pour ne pas crier. BAM. Je tourne la tête, quelqu’un vient d’essayer de rentrer. J’entends une voix derrière la porte « S’il vous plaît, le concierge pourrait-il venir? La porte des toilettes est encore coincée ! ». Je rigole, Elizabeth me rappelle à elle d’une voix lascive.
- Jared…t’arrête pas s’il te plaît.
Je souris et recommence aussitôt. Quelques minutes plus tard son corps se crispe un instant, j’arrête et à peine ai-je eu le temps de me relever qu’elle m’attire contre elle et attrape le lobe de mon oreille. Elle le mordille puis me glisse
- Je me souviens pourquoi on s'entendait si bien
Je me recule et lui souris avant de l’embrasser brièvement dans le cou.
- Rhabille-toi, le surveillant va arriver d’une minute à l’autre, il serait mal venu qu’il te trouve ainsi et en ma compagnie qui plus est.
Elle enfile rapidement ses fringues et on sort en vitesse pour rejoindre le groupe. Alors qu’on se balade à travers la foule Pete l’interpelle.
- T’étais passée où ?!
- Oh, juste aux toilettes.
Il me regarde méfiant, je lui fais un grand sourire avant de me tourner vers Angele et de l’embrasser sur la joue.
- Je reviens, vais voir si Sébastian est dans les parages. Je t’aime.
- Ok, moi aussi je t’aime.
Je caresse sa joue puis disparais dans la foule. Je le retrouve facilement, il discute avec Louise. Je lui arrache sa bouteille d’eau des mains.
- Je t’empreinte ça deux secondes…
Je me rince la bouche et la lui rend en le remerciant. Il me lance un regard suspicieux, puis regarde la bouteille et grimace, dégoûté. Il la lance dans la poubelle à la manière d’un basketteur et on reprend la visite en rigolant.
Peter
Lilly m’embrasse, puis me demande ce qu’elle a loupé.
- Oh, trois fois rien, la routine… T’es disparue d’un coup, et longtemps en plus.
- J’arrivais plus à vous retrouver. Et comme je suis tombé sur Jared…
Ouais. Tu préfères traîner avec ton malade mental d’ex qu’avec moi. Naturel, je comprends. J’avale difficilement ma salive.
- T’inquiète, t’as pas à te justifier ma puce…
Elle passe son bras autour de ma taille, je fais de même. Pourquoi elle passe du temps avec cet abruti ?! Mouais, bon, je l’ai ptet un tantinet délaissée mais c’est… Argh, j’ai été nul je crois. Je resserre mon étreinte.
- Désolé d’avoir autant parlé avec Angele… je tiens à me faire pardonner ! J’ai vu une boutique souvenir, tu veux des bonbons ou quelque chose ? On va boire un café ?
Elle rougit et baisse les yeux. Elle fuit mon regard, je l’ai déçue, c’est sûr. Je suis un abruti. Ma petite amie est la fille parfaite et… Rah. Quel con.
- C’est pas grave, jtassure.
I can't believe the things you say
Tell me, tell me
Tell me the lies
Sébastian
Même cette douche n’a pas réussi à me faire du bien, j’enfile un fute et m’allonge sur le lit. Je ferme les yeux. Inspire, expire, inspire, expire. Mais soudain un bruit familier tranche le silence. Je me lève et ouvre la fenêtre. Il pleut des cordes...Sans réfléchir une seconde de plus je sors en courant, je rencontre Jared dans les couloirs mais ne m’arrête pas. Il me semble qu’il crie quelque chose mais je suis déjà dans les escaliers. J’ouvre la porte principale à la volée et ne m’arrête qu’une fois dans l’herbe. J’écarte les bras et lève la tête vers le ciel pour laisser les gouttes tomber sur moi. C’est stupide mais être là ainsi trempé semble adoucir le malaise que je ressens depuis que je l’ai perdue. Quelqu’un marche sur les gravillons derrière moi.
- Alors là dude, t’as vraiment pété une case !
Jared. Je rigole et me retourne pour le voir. Je passe une main dans mes cheveux pour enlever les quelques mèches sur mon visage.
- Je pense aussi ouais…Mais putain c’que c’est bon.
Il vient à ma hauteur et à son tour lève la tête. Il reste un instant comme ça sans bouger, savourant le moment puis me lance.
- On va se faire une balade ?
- Volontiers.
On commence à marcher dans le parc qui entoure l’école. On ne parle pas pendant plusieurs minutes puis il brise enfin le silence.
- Quand elle a débarqué chez toi elle a changé notre univers hein ?
Je souris en me rappelant ce jour où je l’avais vue pour la première fois. Toujours un peu ailleurs, dans son monde. Déjà peu de choses lui importaient à cette époque. Je me souviens de la première fois où nos regards se sont croisés. J’ai été immédiatement fasciné par ce que j’y ai vu, un sentiment désabusé sur la vie, la vieillesse morale de quelqu'un qui a vécu plus que son âge mais aussi cette sorte de chaleur et de fausse naïveté, une innocence tellement attirante…Je me rappelle à quel point ce regard m’avait marqué.
- C’est…était le genre de fille qu’on ne pouvait oublier facilement…mais pour moi on va dire qu’elle est devenue, cet univers.
D’un signe de tête il me montre un muret, on s’y assied et il me tend une bouteille de whisky. Je fais de grands yeux.
- Putain d’où tu la sors ?!Tu l’avais sur toi ?
Il rigole.
- Je l’avais en main en arrivant…Sébastian ?
- Hum ?
Je descends plusieurs gorgées pendant que sa voix se fait plus sérieuse.
- Je sais que c’est tôt mais…Il faut que tu l’oublies avant que ça ne te détruise…
J’arrête de boire et le regarde comme si il venait de me trahir…le pire c’est que j’ai vraiment cette impression...C’est quoi son délire ?! Sa meilleure amie et il n’en a plus rien à foutre ?!Je lui rends la bouteille de manière brutale et me lève mais d’une main il me retient.
- Non Stian. Il faut qu’on en parle une bonne fois pour toute.
- Tu sais très bien qu’il n’y a plus rien à dire. Tu veux faire comme si Envey n’avait jamais existé soit, mais ne me force pas à faire pareil.
D’un geste brusque je le force à me lâcher et repars en direction de l’école.
- OWENN !
La bouteille de whisky vole en éclat contre l’arbre juste à côté de moi.
- Arrête de faire le con putain! Tu sais très bien que je tenais à elle et je ne te permets pas de penser le contraire!Et toi là tu nous la joue dramaturge, oh pauvre petit Sébastian il est tellement triste que sa chérie soit morte alors il s’amuse à bousiller sa vie pour lui rendre hommage. Oh et quel hommage ! Non sérieux!La c’est trop ! Vraiment! Quoi de plus beau pour montrer à une personne décédée qu’on l’aimait que de se butter à son tour ?!Non mais c’est vrai quoi ! Ça c’est de l’original ! Du pur Shakespearien ! Mais mon pauvre vieux ! T’es totalement stupide ! Elle voulait que tu vives, que t’ai une belle vie ! Putain mais quand est-ce que tu vas enfin imprimer ça ?! La seule fois où elle regrettait de s’être enfuie c’était à cause de toi! Elle t’aimait et au lieu d’être égoïste et de te laisser venir avec elle qu’est-ce qu’elle a fait ?!Hein ? Elle a refusé que tu la suives tout ça juste pour qu’un jour tu puisses avoir la vie que tu mérites! Et tout ce que tu trouves à faire maintenant c’est de tout envoyer foutre?! Mais merde! C’est comme ça que tu lui montres ton amour?! Sébastian! Elle est morte, morte! Tu comprends ce que ça veut dire?!
Sa voix s’éteint et je me retourne pour le voir. Il est à quelques mètres de moi. A présent parmi les gouttes de pluie, je devine aussi des larmes sur ses joues. Il reprend presque dans un murmure.
- Dude…Elle reviendra plus ta belle…
Je regarde mes pieds un instant. Je pleure et après tout, j’en ai plus rien à foutre.
- Jared…je…je vais faire comment pour vivre sans elle moi ?
Je relève la tête et sèche mes yeux d’une main. Il me sourit tristement avant de s’approcher de moi.
- Je sais pas mais va bien falloir que tu continues à avancer, c’est plus possible là…
Il passe un bras autour de mes épaules et rigole légèrement essuyant son visage à son tour.
- …Aller viens on rentre, on a l’air de vraies tapettes à chialer là comme des cons…
- Ouais ok…
8 commentaires:
g encore adoré ce chapitre je diffuse largement l'adresse de ce blog merci les filles à qd la suite
j'ai hate
phanieste
Coucou ^^ comment il roxxxe ce chapitre raaaaah, du piano, de l'émotion, des anecdotes, des couples qui partent à moitié en live , j'adoooooooore ^___^
ah et jme suis faite avoir au moment où Angie recoit "j'ai une surprise pour toi" enchainé avec Jared et Lilly, voilà me suis dit que ça te ferait plaisir irisounette de savoir ça ^^ sur le coup ça m'a fait chier "merde j'ai Alzheimer, jcomprend rien au scouuuuuuurs" et qd j'ai compris "raaaaah comment elle tue" ^^
voili voilou, ah ! et le piano _ merci merci merciiiiii *oui je sais rien à voir avec moi mais merci qd meme ^^* , franchement, vous avez vraiment du talent pour restranscrire avec des mots les émotions et ce qu'on ressent à un moment donné de la vie, bravooooooooooo =)
bon sur ce, bisous à ttes les , et continuez, vous arrêtez pas ça tue tout =)
biz ++
aujourd'hui j'ai fait deux choses biens : j'ai mangé une pomme, et j'ai lu le chapitre 12 de O'Brian Boarding School. Dieu, j'aime le week end...
Bonjour,
Dans le cadre du festival de Romans, les bibliothécaires de la Médiathèque du Pays de Romans, aimeraient faire une lecture publique de quelques textes figurant sur les blogs concourant aux festival dans la catégorie Littéraire. Ces soirées auront lieu les jeudi 1 février et vendredi 2 février dans deux cafés romanais.
L'un de vos texte serait susceptible d'être choisi pour être lu lors de ces soirées. Etant soucieux du respect de la propriété de ses oeuvres par leurs auteurs, nous vous demandons votre autorisation à lire publiquement votre texte. Vous serez bien entendu mis au courant du texte concerné. Nous sommes encore en lecture de votre blog.
Je suis à votre entière disposition pour tous renseignement,
Cordialement,
Odile Fayolle
Responsable Médiathèque Monnaie - Pays de Romans,
Dujol Lionel
lionel.dujol@pays-romans.org
Responsable & animateur multimedia
Médiathèque Monnaie
Communauté de Commune du Pays de Romans
04 75 70 33 58
skype : lioneldujol
http://lespacemultimedia.blogspirit.com
http://monnaie.mediatheque.free.fr
Et un nouveau chapitre, toujours aussi... O'brienesque, faute d'une meilleure définition, je ne suis pas aussi douée que vous avec les mots ^^.
Toujours un bonheur de vous lire, même si le propos n'est pas toujours propice à l'allégresse, et pourtant on en redemande! C'est rare de se sentir aussi remué en lisant une histoire qu'on sait inventée mais qui est tellement proche de ce qu'on ressent, vous avez le don de mener à l'introspection et au questionnement tout en gardant des petites piques humoristique pour ne jamais tomber dans le mélo. Je vous souhaite donc bon courage pour la suite. Et merci (oui je sais c'est une manie).
A bientôt !!
Bon... J'ai lu les douze chapitres au cours de ces deux dernières journées (je sais je lis lentement...) et... A quand la suite?? C'est rageant d'être à fond dans une histoire et de ne pas pouvoir lire la fin...
Bon sinon ça commence à devenir un peu bizarre je commence à m'inquiéter pour les pauvres Peter et Angele mais sinon c'est toujours aussi bien et passionnant et pis voilà et bravo encore à vous deux!
XD ce DDFDF ^^
euh bah c'était excellent mais quel salaud jared je savais bien il fallait pas lui faire confiance
et pis cette lilly rah ...
enfin bref très bon chapitre vous arrivez toujours a me tenir en haleine ^^
wahou! un chapiter vraiment tres gai dites donc!
bon, bah moi j'aimais bien 'vey donc sféchier mais bon...
on va voir ce que nous reserve la suite de la fic!
mais sinon toujours aussi bien ecris xD
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